L'hépatite C a cette particularité, pour une infection virale chronique, de pouvoir maintenant être guérie dans plus de 95 % des cas par un traitement oral simple et habituellement bien toléré, d'une durée de 8 à 12 semaines. Ces progrès récents, puisque la première molécule d'antiviraux directs a été disponible en France début 2014, ont permis de changer le pronostic des patients les plus gravement atteints avec, déjà, une diminution du nombre de transplantations hépatiques dues à l'hépatite C. La guérison virologique est associée également à une réduction des manifestations extrahépatiques du virus de l'hépatite C, notamment les manifestations cliniques de la cryoglobulinémie incluant les atteintes articulaires, et, de façon plus générale, à une amélioration de la qualité de vie. De plus, même si ces molécules sont chères, on peut penser que, à l'avenir, les prix vont continuer à baisser ; par ailleurs, les modèles médico-économiques montrent un bénéfice de ces traitements sur le long terme du fait de la diminution de la morbimortalité liée à cette pathologie.
Tout n'est cependant pas encore si simple. D'abord, la majorité des patients ayant une hépatite C sont peu symptomatiques, et c'est le dépistage systématique qui va faire le diagnostic. On parle donc d'“épidémie cachée”, avec des chiffres de l'ordre de 40 000 à 70 000 personnes qui ne seraient pas encore dépistées. Ensuite, si le diagnostic, et donc le traitement sont effectués à un stade avancé de la maladie hépatique, un risque résiduel persiste, notamment de carcinome hépatocellulaire malgré la guérison virologique, et ce, d'autant plus que le patient consomme de l'alcool ou présente un syndrome métabolique. Les pathologies intriquées “virus C + alcool” ou “virus C + syndrome métabolique” sont particulièrement fréquentes en France, et bien évidemment caractérisées par un risque évolutif plus rapide. Enfin, une fois la guérison obtenue, une nouvelle contamination par le virus de l'hépatite C est possible. Deux groupes de patients apparaissent comme étant à risque : d'une part, certains usagers de drogue actifs, d'autant plus s'ils ne sont pas pris en charge dans des structures spécifiques, d'autre part, certains HSH (hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes) ayant des pratiques traumatiques associées à un usage récréatif de drogue de type chemsex.
Si nous avons les bons outils thérapeutiques, encore faut-il pouvoir s'en servir ! Les recommandations 2018 de la Société française d'hépatologie, l'AFEF (Association française pour l'étude du foie), visent à obtenir l'élimination de l'infection par le virus de l'hépatite C en France en 2025 (1). L'élimination est définie par l'OMS non pas comme une éradication du virus ou de la maladie mais comme une diminution de 90 % des nouvelles infections associée à une réduction de la mortalité de 65 % (2). Autrement dit, nous passons d'une vision purement médicale à une vision de santé publique. Le but, maintenant, est l'optimisation de la prévention, du dépistage et de l'accès au traitement. Cela passe par l'implication de la communauté soignante dans son ensemble, incluant bien entendu les rhumatologues, et pas seulement des spécialistes des hépatites. Cela passe également par le dépistage et la prise en charge de populations vulnérables qui sont parfois en marge du système classique des soins. Ce n'est sûrement pas le moment d'oublier l'hépatite C !