Refaisons 5 minutes le point ! Nous avons un arsenal thérapeutique impressionnant pour prendre en charge nos patients atteints de PR (polyarthrite rhumatoïde), en partant des traitements de fond synthétiques conventionnels pour aller aux thérapeutiques ciblées. Nous avons aussi de nombreuses études nous renseignant sur les meilleures stratégies d'utilisation de ces traitements. La plupart du temps, il est d'ailleurs recommandé d'associer un traitement conventionnel aux thérapeutiques ciblées. Toutefois, malgré ces traitements et les stratégies d'optimisation, une proportion non négligeable de patients n'obtient pas de rémission, et il n'est pas exceptionnel de se retrouver dans une situation d'impasse thérapeutique. C'est pour cette raison que certains, entre 2004 et 2013, ont étudié l'intérêt d'associer, en plus du traitement conventionnel synthétique, des traitements biologiques entre eux. Ces études ont récemment fait l'objet d'une méta-analyse (1), soulignant l'augmentation du risque infectieux lors de l'association de biomédicaments, avec de surcroît un gain d'efficacité marginal sur l'activité de la maladie. En outre, des traitements biologiques capables d'agir sur 2 cibles en même temps, les fameux anticorps bispécifiques ou DVD-Ig (dual variable domain immunoglobulin), ont été développés et font l'objet d'essais cliniques. Là encore, les résultats chez l'homme ne sont pas en faveur d'un gain substantiel d'efficacité, même si une des cibles, l'IL-17 (interleukine 17), n'était probablement pas la plus adaptée à la PR. On trouve enfin quelques cas cliniques rapportés dans la littérature médicale d'associations de traitements biologiques, mais le plus souvent ces associations concernent des patients ayant plusieurs pathologies, qui ne sont pas toutes stabilisées, avec un seul traitement biologique. Il s'agit d'ailleurs surtout d'indications hors PR telles que le rhumatisme psoriasique et les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin.
Pourtant, tout avait bien commencé, et les modèles expérimentaux soutenaient ces stratégies. Une combinaison d'anti-IL-1 et d'anti-TNF (tumor necrosis factor) avait ainsi montré, dans un modèle murin de PR, une amélioration nettement supérieure à celle de chacun des traitements pris seuls. Même des doses faibles de ces traitements s'avéraient synergiques (2).
Devons-nous définitivement condamner les stratégies d'association de traitements ciblés dans la PR ? Devons-nous suivre pour toujours, à la lettre, les résumés des caractéristiques du produit ? Pour l'instant, il reste difficile d'innover, mais l'arrivée sur le marché de nouveaux traitements, nommés thérapeutiques ciblées synthétiques, pourrait rebattre les cartes.
En effet, les JAKi (inhibiteurs de JAK) sont capables d'impacter de multiples cytokines inflammatoires impliquées dans la pathogénie de la PR, mais ne bloquent pas directement les voies de signalisation du TNF, même s'il est probable qu'il existe in fine un effet indirect sur la production de TNF. Il pourrait donc y avoir un effet synergique de l'association de thérapeutiques ciblées, de JAKi et d'anti-TNF. Une publication récente rapporte d'ailleurs chez quelques patients l'efficacité et la tolérance de cette stratégie (3).
Un autre argument à prendre en compte vient de la future perte du brevet du tofacitinib et de son passage dans le domaine public. Cette “chimiothérapie” deviendra facilement “généricable” et on peut envisager alors un traitement qui s'avérerait relativement bon marché. Cette considération économique associée à la rapidité d'action de la molécule et son efficacité supérieure à celle du méthotrexate pourraient alors amener à privilégier ce traitement sur l'association méthotrexate et corticoïde en 1re ligne de charge d'une PR. Et parce que le tofacitinib ne permet l'obtention de la rémission à 6 mois que chez un tiers des patients ayant une polyarthrite débutante, il y aura toujours de la place pour une intensification thérapeutique, qui pourrait alors être l'ajout d'un biomédicament, sur le modèle
de la stratégie en échec du méthotrexate.
Pour toutes ces raisons, nous prévoyons une nouvelle vague d'études de stratégie qui devraient permettre d'y voir plus clair sur l'optimisation de la gamme des JAKi, et sur l'intérêt d'y associer un traitement biologique en cas de réponse insuffisante.