Le diagnostic des SED (syndromes d'Ehlers-Danlos) est de plus en plus souvent évoqué par les médecins, devant des douleurs articulaires inexpliquées, sans caractéristique inflammatoire, associées à une instabilité articulaire. Un consortium international d'experts a redéfini les critères des différents SED en 2017, afin que ces diagnostics ne deviennent pas les nouvelles étiquettes à poser chez tout patient présentant une douleur chronique sans étiologie identifiée (1).
Les SED constituent un groupe hétérogène de maladies héréditaires du tissu conjonctif caractérisées par une triade commune : hyperlaxité articulaire, hyperélasticité cutanée et fragilité des tissus conjonctifs. Leur prévalence est estimée à 1 pour 5 000. Ils sont majoritairement dus à différentes anomalies de la biosynthèse et/ou de la structure de protéines de la matrice extracellulaire. La classification actualisée de 2017 décrit 13 types de SED. Le diagnostic de chaque type repose sur des critères objectifs qui complètent la triade. Néanmoins, seules les études génétiques permettent de confirmer formellement le diagnostic, les examens complémentaires étant souvent normaux (1, 2). Il est important de distinguer les types de SED, car ils n'exposent pas aux mêmes complications. Seules les formes associées à des atteintes vasculaires ou à une fragilité tissulaire extrême engagent potentiellement le pronostic vital (3).
Le SED de type hypermobile (SEDh) est le plus fréquent, mais ses bases moléculaires restent à découvrir. Son diagnostic est donc uniquement clinique, d'où l'importance des nouveaux critères, pour homogénéiser les pratiques médicales. Le terme de pathologies du spectre de l'hypermobilité est désormais utilisé pour les patients qui ne remplissent pas ces critères, mais qui partagent des caractéristiques communes avec le SEDh (hyperlaxité et douleurs, notamment). Les diagnostics différentiels sont nombreux (pathologies neuromusculaires et rhumatologiques) et doivent être recherchés (1, 2).
Le SEDh se manifeste par une hyperlaxité articulaire généralisée, des entorses, des (sub)luxations à répétition et des signes de fragilité tissulaire modérée (vergetures précoces, cicatrisation anormale, prolapsus, etc.). D'autres symptômes sont habituels dans le SEDh : fatigabilité, impotence fonctionnelle, syndrome de déficit postural (dysproprioception, scoliose, affaissement des voûtes plantaires, etc.), symptômes digestifs et vésicosphinctériens, etc. La douleur en est un symptôme quasi constant et représente le principal motif de consultation (4, 5).
Les douleurs du SEDh sont complexes et variées ; elles commencent précocement dans la vie et évoluent avec l'âge, avec le plus souvent une corrélation inverse à l'hyperlaxité (avec l'âge, l'hyperlaxité diminue, mais les symptômes douloureux s'aggravent) (6). Les douleurs peuvent être localisées ou généralisées. Elles sont musculosquelettiques (rachis, grosses et petites articulations, canal carpien) mais aussi abdominales, pelviennes ou de type céphalées (telles que migraines, céphalées de tension, dysfonction de l'articulation temporomandibulaire, etc.). Les douleurs dans le SEDh sont nociceptives et/ou neuropathiques. Le mécanisme exact de ces douleurs reste encore mal connu, mais la littérature incite à considérer les troubles de proprioception comme un facteur important. Les douleurs peuvent être aiguës, mais sont en général récurrentes et évoluent vers un syndrome douloureux chronique, voire un tableau d'hyperalgésie généralisée par sensibilisation centrale à la douleur (7, 8). Ces diverses douleurs sont souvent mal soulagées par les antalgiques usuels, et ce syndrome douloureux chronique a un important retentissement psychosocial et sur la qualité de vie (6-8).
De façon surprenante, dans les autres types de SED, les douleurs ne sont pas toujours présentes. Elles sont alors généralement en rapport avec une complication orthopédique ou vasculaire.
Le diagnostic des SED est difficile, avec des tableaux cliniques parfois typiques, mais souvent aussi des formes plus discutables qui nécessitent des explorations complémentaires et un suivi avant de conduire au diagnostic.
Il n'existe pas à ce jour de traitement spécifique des SED, alors qu'ils conduisent fréquemment les patients à des situations de handicap, en particulier locomoteur. Leur prise en charge est donc symptomatique, complexe et nécessairement pluridisciplinaire. Elle repose sur les méthodes antalgiques (idéalement coordonnées par une équipe de prise en charge de la douleur pour combiner traitements locaux, dont l'emplâtre de lidocaïne et la TENS (neurostimulation électrique transcutanée), médications per os, sophrologie, autohypnose et soutien psychologique), et la médecine physique et de réadaptation (kinésithérapie, ergothérapie, psychomotricité, orthèses, appareillages, vêtements compressifs et aides techniques). Certains régimes et traitements peuvent améliorer les symptômes digestifs et urogénitaux. La chirurgie orthopédique doit être prudente et discutée avec des chirurgiens experts de ces pathologies (6, 9, 10).