L'arthrite septique sur articulation native, bien que rare, demeure la première préoccupation diagnostique du rhumatologue devant une arthrite aiguë. Pourtant, cette pathologie a été, ces dernières années, délaissée par la recherche clinique, et les dernières recommandations sous l'égide de la Société de pathologie infectieuse de langue française sur le sujet remontent maintenant à plus de 25 ans. Aussi un groupe de travail sur les infections ostéoarticulaires a-t-il été créé en 2018 au sein de la Société française de rhumatologie pour que la communauté rhumatologique “réinvestisse” la prise en charge diagnostique et thérapeutique des infections de l'appareil musculosquelettique sans matériel orthopédique, comme les arthrites septiques et les spondylodiscites infectieuses. L'actualisation des recommandations françaises sur la prise en charge de l'arthrite septique sur articulation native présentée au congrès national français de rhumatologie en décembre 2019 devrait être publiée au second semestre 2020.
Le traitement des arthrites septiques sur articulation native repose sur un drainage de l'articulation à l'aiguille ou un drainage chirurgical associé à une antibiothérapie adaptée, ce qui nécessite la mise en évidence de la bactérie pathogène et de sa sensibilité aux antibiotiques selon l'antibiogramme. Les propriétés bactéricides, l'absence de sélection de mutants résistants et la faible incidence des arthrites septiques à Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (SARM) ou à entérobactéries multirésistantes (bêtalactamases à spectre étendu (BLSE) ou hyperproductrices de céphalosporinases) font de la famille des bêtalactamines (pénicilline ou céphalosporine) le traitement antibiotique le plus pertinent. En cas de relais per os possible, une récente étude randomisée multicentrique (sur plusieurs types d'infections ostéoarticulaires différents, dont des arthrites septiques) a montré la non‑infériorité d'un relais précoce (< 7 jours) [1].
La durée optimale de l'antibiothérapie n'est actuellement pas consensuelle. De nombreux paramètres doivent être pris en compte, notamment la diffusion tissulaire, le pouvoir bactéricide extra- et intracellulaire de l'antibiotique, son effet postantibiotique et les capacités d'adhésion, d'adaptation métabolique responsable de la persistance éventuelle de la bactérie au site infecté. Cependant, une antibiothérapie longue augmente le risque de iatrogénie et de modification de la flore digestive pouvant être responsable de colite à Clostridium difficile ou d'émergence de pathogènes multirésistants (notamment les entérobactéries BLSE ou hyperproductrices de céphalosporinase et les entérocoques résistants à la vancomycine).
Aussi, pour une espèce bactérienne fragile, très sensible aux antibiotiques et sans capacité de persistance bactérienne, comme les arthrites septiques à Neisseria sp. (gonocoque ou méningocoque), l'antibiothérapie sera d'une durée de 7 jours, tandis que les arthrites septiques à Staphylococcus aureus, à risque de rechute à distance en raison des capacités d'adaptation de la bactérie (small colonyvariants à métabolisme lent, phase de “dormance”, internalisation intraostéoblastique), seront classiquement traitées pendant une durée de 6 semaines.
La taille de l'articulation impliquée doit certainement être prise en compte dans le choix de la durée totale de l'antibiothérapie. En effet, une étude randomisée monocentrique vient démontrer la non-infériorité d'un traitement antibiotique de 2 semaines versus 4 semaines après un geste chirurgical initial (lavage ± synovectomie) pour la prise en charge d'arthrites septiques sur articulations natives de petites tailles (85 % de poignets, doigts, orteils) non bactériémique (hémoculture positive dans seulement 4 % des cas) avec une représentation microbiologique inhabituelle (plus de 30 % de bacilles Gram négatifs et moins de 40 % de Staphylococcus aureus) [2]. Toutefois, il n'est pas raisonnable d'extrapoler ces résultats pour le traitement d'une arthrite septique sur une grosse articulation, qui plus est, avec bactériémie. S. McBride et al. ont rapporté, dans une étude menée sur une large cohorte rétrospective (552 arthrites septiques), une augmentation du risque d'échec thérapeutique en cas de grosses articulations impliquées (OR = 1,71 [IC95 : 1,02-2,89], p < 0,05) et en cas de traitement antibiotique court (≤ 15 jours) (50 %) versus 3 à 6 semaines (16 %) (p < 0,01) [3].
Il est donc important d'inclure nos patients atteints d'une arthrite septique sur articulation native dans l'étude SHASAR [4] (PHRC national français multicentrique de non-infériorité d'une antibiothérapie de 3 semaines versus 6 semaines) afin d'obtenir des éléments permettant de définir la durée optimale d'antibiothérapie dans la prise en charge des arthrites septiques sur articulations natives.