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Éditorial

Soins infirmiers en rhumatologie : faut-il aller vers des pratiques avancées ?


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Les infirmières* tendent à exercer des rôles de plus en plus importants dans la prise en charge des maladies ostéoarticulaires. En effet, depuis le développement de l'éducation thérapeutique (ETP), les infirmières proposent des consultations dédiées, par exemple lors de l'introduction d'une biothérapie ou pour l'évaluation des comorbidités.

À l'avenir, l'exercice des infirmières de rhumatologie (IR) va encore se transformer. Les recommandations de l'European League Against Rheumatism (EULAR) proposent que le rôle infirmier dans la prise en charge des rhumatismes inflammatoires chroniques (RIC) soit élargi à la participation au contrôle clinique de la maladie. Les nouvelles dispositions réglementaires françaises mettent en place les infirmières de pratiques avancées (IPA).
Ce cursus, qui n'est pas encore ouvert aux infirmières de rhumatologie, concerne un grand éventail de maladies chroniques. Il est intéressant de connaître les preuves du bénéfice de l'exercice infirmier en rhumatologie et d'envisager une évolution vers les pratiques avancées pour les maladies ostéoarticulaires.

Les recommandations de l'EULAR sur le rôle de l'infirmière de rhumatologie

Les recommandations 2018

L'EULAR a émis en 2012 des recommandations sur le rôle de l'infirmière dans la prise en charge des RIC [1], dont l'actualisation vient d'être publiée (tableau I) [2]. Issues d'un groupe de travail comportant 15 infirmiers et 3 autres professionnels de la santé, 3 rhumatologues et 2 patients membres d'associations, elles font suite à une revue de la littérature ayant recueilli les éléments de preuve de l'utilité des IR, en particulier dans la polyarthrite rhumatoïde. Trois principes généraux encadrent l'exercice infirmier : l'appartenance à une équipe, le dialogue de décision partagée avec le patient et la nécessité que l'exercice infirmier s'appuie sur des preuves d'efficacité. En plus des soins infirmiers spécifiques (par exemple, prélèvements biologiques ou administration de médicaments), les 8 recommandations proposent d'étendre largement le rôle de l'infirmière et l'autonomie du patient (tableau I).

Les recommandations correspondent à plusieurs domaines : l'éducation thérapeutique et le “self management”, c'est-à-dire le développement de l'autonomie des patients (recommandations 1 et 6) ; la continuité des soins, la télémédecine et l'accompagnement psychosocial (recommandations 3 et 5) ; les consultations infirmières et la prise en charge globale de la maladie (recommandations 2 et 4) ; enfin, la nécessité d'une formation spécifique concernant les soins infirmiers de rhumatologie et de l'inscription de ces recommandations au sein des réglementations de chaque pays [5, 6].

Ces recommandations sont-elles applicables en France ?

L'application de ces recommandations ne peut se faire d'emblée. Il existe tout d'abord des obstacles chez les infirmières elles-mêmes, les patients et les rhumatologues. C'est ce qui ressort d'une enquête internationale menée sur Internet en 2014 par l'EULAR auprès de 967 infirmières, 548 rhumatologues et 2 034 patients (dont 104 infirmières, 65 rhumatologues et 384 patients français) [7].

Les participants avaient un bon degré global d'accord avec les recommandations (8-10/10), sauf sur le rôle de l'infirmière dans les économies de santé. Les rhumatologues étaient moins d'accord avec la participation des infirmières à la prise en charge globale impliquant l'évaluation de l'activité de la maladie. Les raisons des désaccords et les obstacles à la mise en œuvre de ces recommandations étaient, du côté des infirmières, un trop grand nombre d'autres responsabilités et le manque de temps ; du côté des rhumatologues, des doutes sur les connaissances des infirmières ; enfin, du côté des patients, la peur de perdre le contact avec le rhumatologue. Dans tous les cas, le nombre insuffisant d'infirmières était souligné, en particulier par les patients.

De plus, la réglementation française actuelle ne permet pas encore d'appliquer ces recommandations, car celles-ci reposent essentiellement sur les pratiques et la littérature anglo-saxonnes et scandinaves de l'infirmière clinicienne de rhumatologie, dont l'exercice n'est pas défini de la même façon en France.

Nous allons donner des exemples des nombreuses activités des IR décrites dans la littérature. Certaines sont applicables ou réalisées en France dans le cadre réglementaire actuel de la profession, alors que d'autres pourraient l'être dans le cadre d'un exercice de délégation des tâches ou de pratiques avancées.

Délégations de tâches et pratiques avancées

Les délégations de tâches et les pratiques avancées sont permises par la loi HPST de 2009 [8] pour élargir les compétences et l'exercice des infirmières.

La délégation de tâches (ou protocole de coopération) [9] correspond à la délégation à une infirmière (ou à un autre professionnel de la santé) d'une activité non prévue réglementairement. C'est une démarche volontaire et pragmatique qui s'applique à un type précis de soin. Celui-ci est délégué par un médecin à une infirmière qui a été spécifiquement formée pour cela. La procédure pour obtenir une autorisation est lourde et implique beaucoup d'allers-retours entre le demandeur et la HAS avant que la coopération soit acceptée. En rhumatologie, elle est peu utilisée, contrairement à ce qui se fait dans d'autres spécialités, comme la radiologie ou l'ophtalmologie, où cette pratique concerne respectivement les manipulateurs en radiologie et les orthoptistes.

Les pratiques avancées concernent exclusivement les infirmières et sont définies par les décrets no 2018-629 et 2018-633 du 18 juillet 2018 [6, 10]. C'est un saut qualitatif et professionnel pour les infirmières, car, à l'inverse de la délégation de tâches pour lesquelles la formation ne modifie pas le niveau d'études, l'IPA doit avoir le niveau master, ce qui implique un cursus universitaire de 2 ans. L'exercice est beaucoup plus large et diversifié, et les IPA sont à même de faire des diagnostics et des prescriptions au sein d'une équipe, encadrées par un médecin et avec l'accord du patient. Dans ce cadre, l'autonomie des infirmières est plus grande, les IPA participant à la prise en charge globale des maladies. Quatre groupes de pathologies sont du domaine des IPA (tableau II) : l'oncologie et l'hémato-oncologie ; les maladies rénales chroniques ; les polypathologies courantes en soins primaires et leur prévention, et les pathologies chroniques stabilisées. Comme cela a déjà été dit, les maladies ostéoarticulaires ne figurent pas parmi ces dernières, mais, au vu des autres pathologies concernées, il n'y a pas de raisons pour qu'elles ne puissent pas être incluses à l'avenir.

Exercice infirmier de rhumatologie dans le cadre actuel : exemples de la littérature dans les RIC

Il existe de nombreuses preuves de l'utilité du rôle propre des IR dans les RIC.

Éducation thérapeutique et sécurité des traitements de fond

La sécurité est un enjeu important du maniement des traitements de fond, et en particulier des biothérapies et des inhibiteurs de JAK récemment mis sur le marché. Lors de séances d'ETP, les IR visent à faire acquérir aux patients des compétences de sécurité pour la gestion quotidienne de leurs médicaments.

Une étude observationnelle multicentrique française portant sur 677 patients a montré l'intérêt de ces séances, car les patients qui n'avaient pas bénéficié d'un entretien infirmier ou d'une ETP avaient 3,8 fois plus de risque d'avoir des compétences de sécurité faibles (c'est-à-dire des mauvaises réponses au questionnaire de référence sur la sécurité des biothérapies BioSecure [5][3]. Dans l'étude observationnelle de L. Frantzen et al. [4], qui a comparé de façon rétrospective les patients ayant bénéficié d'une ETP et ceux suivis en soins courants (414 patients : 193 dans le groupe ETP, 221 dans le groupe sans ETP), les scores de compétences étaient significativement plus élevés dans le groupe ETP (75 sur 100 [interquartile : 62-86], contre 67 sur 100 [interquartile : 50-80]).

Ces données ont été confirmées par une étude multicentrique contrôlée randomisée (RCT) portant sur 128 patients et utilisant le même questionnaire BioSecure : 2 séances individuelles d'ETP réalisées à 3 mois d'intervalle (M0 et M3) étaient significativement plus efficaces sur les compétences de sécurité à l'instauration d'une première biothérapie sous-cutanée (82,1 ± 13,3 contre 75,9 ± 13,3 ; p = 0,01) que les soins courants seuls. De plus, les patients du groupe ETP parvenaient à faire face à leur maladie d'une manière plus satisfaisante. La consultation infirmière durait en moyenne 60 minutes à M0 et 45 minutes à M3 [11].

Éducation thérapeutique et comorbidités

La détection par les infirmières et l'orientation des patients en fonction de leurs comorbidités sont également plus efficaces que les seuls soins courants. L'essai multicentrique (RCT) COMEDRA [12], portant sur 923 patients atteints de polyarthrite rhumatoïde, comportait en premier lieu un volet de détection et une évaluation par l'infirmière des comorbidités selon les recommandations de la Société française de rhumatologie – le rhumatologue et le médecin étaient alors informés par l'infirmière – puis un volet d'éducation par l'infirmière de l'autoévaluation du DAS par le patient ­lui‑même, qu'il rapportait ensuite à son rhumatologue. Le nombre de mesures prises à 6 mois concernant les comorbidités était plus important dans le groupe intervention que dans le groupe témoin : 4,54 ± 2,08 contre 2,65 ± 1,57 (p < 0,001) (IRR = 1,78 ; IC95 : 1,61‑1,96). Ces mesures concernaient les maladies cardiovasculaires, les vaccins, la détection des cancers et de l'ostéoporose. En ce qui concerne l'autoévaluation du DAS, les patients ont communiqué les résultats au rhumatologue dans 30 % des cas, avec pour conséquence une modification plus fréquente des traitements de fond dans le groupe intervention que dans le groupe témoin (17,2 contre 10,9 % ; OR = 1,70 ;IC95 : 1,17-2,49 ; p = 0,006), bien que le DAS de fin d'étude n'ait pas été modifié.

L'étude COMEDSPA [13] était construite sur un schéma similaire et portait sur 502 patients atteints de spondyloarthite axiale, avec une évaluation à M0 et M12. Dans le volet de détection des comorbidités, après 1 an de suivi, le score de comorbidités avait diminué de manière plus importante dans le groupe intervention (−3,2 contre −1,9, la différence n'étant pas significative). Le nombre d'actions entreprises concernant les comorbidités était significativement plus élevé dans le groupe intervention : 4,54 ± 2,08 contre 2,65 ± 1,57 (p < 0,001), particulièrement pour les vaccinations antigrippale : 28,6 contre 9,9 % (p < 0,01) et antipneumococcique : 40,0 contre 21,1 % (p = 0,04), et pour l'ostéoporose (mesure de la DMO : 22,6 contre 8,7 % ; p < 0,01). Dans le volet d'éducation, après 1 an de suivi, le BASDAI avait diminué significativement dans le groupe intervention (−1,2 ± 15,8 contre +1,4 ± 15,7 ; p = 0,03), et une augmentation significative du nombre et de la durée des autoexercices ­et de l'activité physique était retrouvée.

Le rôle de l'IR dans l'acceptation des vaccinations avait déjà été évoqué dans une étude anglaise portant sur des patients sous immunosuppresseurs en rhumatologie [14]. Deux sites avaient été étudiés : dans le site 1, les patients étaient suivis à l'hôpital, et la prescription de la vaccination était effectuée par le médecin ; dans le site 2, les patients étaient suivis en libéral, et les médecins signaient les prescriptions proposées par les IR. À l'inclusion, ces dernières avaient un meilleur taux de vaccination contre la grippe (69 contre 43 %) et le pneumocoque (47 contre 15 %) que les médecins, ce qui traduit une meilleure efficience de l'IR dans les soins courants.

Rôle de l'infirmière lors de switchs de biosimilaires

Les IR ont rarement été sollicitées pour favoriser l'acceptation par les patients du passage aux biosimilaires, alors que certains effets indésirables non spécifiques, apparentés à un effet nocebo, conduisent à des arrêts prématurés de ces médicaments. Nous avons montré qu'un rôle prépondérant des IR dans l'accompagnement des patients passant de la molécule princeps (infliximab, Remicade®) à l'un de ses biosimilaires avait permis d'obtenir un taux de maintien analogue à celui d'une cohorte historique traitée par Remicade® : 91,2 et 96,2 %, respectivement, à 34 semaines (p = 0,41) ; 84,4 et 88,5 %, respectivement, à 12 mois (p = 0,52). Ce taux de maintien du biosimilaire était supérieur à celui de cohortes européennes à 34 semaines (91,1 % dans cette étude, contre 72-75,5 %), avec un taux d'effets nocebo minime, de 2 % [15].

Éducation thérapeutique et autonomie self-management)

L'ETP a aussi pour but d'améliorer l'autonomie des patients et leur bien-être. L'IR est un acteur clé des programmes d'ETP en rhumatologie. Par exemple, dans une étude randomisée portant sur 64 patients, un programme multidisciplinaire d'ETP avec des séances individuelles et collectives a montré un bénéfice significatif sur les objectifs personnalisés des patients : 76,9 % des patients du groupe ETP contre 42,4 % des patients du groupe témoin avaient réalisé leurs propres objectifs, de connaissance de la maladie et du traitement, d'estime de soi, de problèmes sociaux ou d'activité physique [16].

Exercice infirmier de rhumatologie dans d'autres pathologies rhumatologiques

Dans l'ostéoporose, une étude comparative randomisée prospective portant sur 75 patientes traitées par raloxifène a montré qu'un suivi téléphonique infirmier, avec ou sans retours sur les marqueurs de remodelage osseux, obtenait une adhésion thérapeutique supérieure de 57 % (p = 0,04) par rapport aux patientes en suivi habituel (sans que le retour sur les marqueurs apporte de bénéfice supplémentaire) et une persistance supérieure de 25 % non significative (p = 0, 07). À 1 an, cette meilleure observance était corrélée à une augmentation significative de la densitométrie au col fémoral (p = 0,01) [17].

Les IR jouent aussi un rôle majeur dans les filières fractures. Ainsi, l'équipe d'Amiens a publié des résultats très encourageants. Sur les 872 patients pouvant être inclus dans l'étude, 335 ont été inclus. Tous les patients ont bénéficié d'une mesure de la DMO, et, chez plus de 90 % d'entre eux, les facteurs de risque d'ostéoporose et l'apport quotidien en calcium ont été évalués. Des médicaments antiostéoporotiques ont été prescrits à 75,5 % des patients chez qui ils étaient indiqués, ce qui est bien supérieur à la prise en charge habituelle, dans laquelle il existe un déficit de prescription majeur [18].

Le rôle de l'infirmière est utile dans la goutte, comme le suggère une étude ouverte d'intervention informative et éducative ciblée sur 106 patients goutteux ayant une uricémie moyenne de base de 456 µmol/L et un taux de prise d'allopurinol de seulement 27 %. L'intervention de l'infirmière, qui procède selon des objectifs préalablement définis, a obtenu à 12 mois la prise d'allopurinol chez 79 % des patients, un taux d'uricémie < 360 µmol/L chez 92 % des patients et < 300 µmol/L chez 85 % de ces derniers [19].

Dans un RCT, les mêmes auteurs ont obtenu des résultats encore plus intéressants chez 517 patients, avec, à 2 ans, l'objectif d'un taux d'uricémie < 360 µmol/L atteint chez 95 % des patients du groupe éducation par l'infirmière, contre 30 % dans le groupe témoin de soins usuels (RR = 3,18 ; IC95 : 2,42-4,18 ; p < 0,0001). Le groupe pris en charge par l'infirmière avait aussi moins de crises, moins de tophi et une meilleure qualité de vie [20]. En France, l'équipe du centre de référence de l'hôpital Lariboisière a présenté ses résultats de “vraie vie” au congrès 2019 de la SFR, avec 67 % de patients à la cible [21].

Dans l'arthrose du genou et de la hanche, un RCT [22] mené au cabinet du rhumatologue a montré que la prise en charge par l'IR (10 sessions) incluant l'ETP avait eu un effet positif sur l'intensité de la douleur, la fonction, l'humeur, les stratégies de coping et la fatigue.

Rôle élargi de l'infirmière de rhumatologie : les pratiques avancées

Les IR exercent dans d'autres pays des responsabilités plus larges, qui s'apparentent aux rôles dévolus aux IPA. Quelques exemples de publications, concernant essentiellement les RIC, montrent ce qu'il est possible de faire, sans que l'on puisse dire avec certitude que l'exercice infirmier ainsi pratiqué est accepté ou souhaité par une majorité d'IR, les rhumatologues ou les patients en France.

Une équipe anglaise a mené un RCT sur 1 an comparant le suivi par l'IR de 191 patients atteints de polyarthrite rhumatoïde stabilisée et le suivi habituel par le rhumatologue [23]. Le critère principal (DAS28) à 1 an était similaire dans les 2 groupes : la différence était de 0,31.

Un autre RCT, scandinave, a suivi des patients ayant une polyarthrite rhumatoïde traitée par biothérapie et un DAS < 3,2 vus à M0 et M12 par le rhumatologue [24]. Dans le groupe intervention, une des visites à M6 chez le rhumatologue était remplacée par une visite chez l'infirmière. Les patients étaient randomisés en 2 groupes en remplaçant une des visites à M6 chez le rhumatologue par une visite chez l'infirmière. À 1 an, il n'y avait pas de différence entre les 2 groupes sur le DAS, l'EVA douleur et la satisfaction vis-à-vis des soins.

En ce qui concerne la coopération entre rhumatologue et infirmière dans la prise en charge et la surveillance de la polyarthrite, une étude observationnelle américaine a aussi comparé, sur une durée de 2 ans, 4 centres où une collaboration entre les rhumatologues et les infirmières ou les assistants de rhumatologie (profession développée aux États-Unis) était en place (centres IR+) et 3 centres où les rhumatologues suivaient seuls les patients (centres IR−) [25]. Le nombre de consultations effectuées par les rhumatologues était 2 fois plus élevé dans les centres IR− (814 consultations) que dans les centres IR+ (445 consultations, dont 320 par les rhumatologues seuls et 125 réalisées conjointement par les rhumatologues et les IR), les IR effectuant 723 consultations propres. Dans les centres IR+, par comparaison avec les centres IR−, le nombre de visites où les patients avaient une activité élevée de la maladie était moindre (14,6 contre 43,5 % ; p < 0,001), alors qu'à l'inverse le nombre de visites où les patients avaient une activité faible (low disease activity) était plus élevé (31,1 contre 16,1 % ; p = 0,03). Dans les centres IR+, il y avait plus de prescriptions d'examens biologiques (81 contre 62 % ; p < 0,001) et radiographiques (20 contre 14 % ; p < 0,001), une plus grande utilisation des DMARD (85 contre 73 % ; p = 0,01) et de biothérapies (80 contre 47 % ; p < 0,0001). Malgré les limites d'une étude observationnelle, cette publication est en faveur de l'efficacité de la collaboration entre l'infirmière ou l'assistant de rhumatologie et le rhumatologue.

Attentes des patients vis-à-vis de l'infirmière de rhumatologie et de ses compétences

Dans ce contexte évolutif, il est intéressant de connaître le ressenti des patients. Il n'y a pas actuellement d'étude française, mais des études qualitatives, menées pour la plupart dans des pays où les consultations infirmières existent depuis longtemps, ont été réalisées. Par exemple, une étude danoise a montré la proximité entre les patients et les IR, qui sont parfois considérées comme plus accessibles que les rhumatologues [26]. De plus, il est important que les rhumatologues et les patients puissent compter sur les compétences des IR. Une étude française a montré que, s'il existait des pistes d'amélioration, les niveaux de compétence déclarés par les infirmières étaient élevés pour les traitements symptomatiques (90 %) et les traitements de fond (79 %) de la polyarthrite rhumatoïde et de la spondyloarthrite [27]. Des compétences réelles ont aussi été déclarées dans les traitements pharmacologiques de l'ostéoporose, la gestion de la douleur et l'éducation thérapeutique des patients.

Conclusion

Au vu de ces données non exhaustives de la littérature, le champ d'intervention et la valeur ajoutée des IR et de leur collaboration avec les rhumatologues concernent un large ensemble de maladies ostéoarticulaires, avec un niveau de preuve plus élevé dans la prise en charge des RIC. Un changement de paradigme semble nécessaire afin d'élargir le rôle des IR, en commençant par l'inclusion de la rhumatologie dans le champ des pratiques avancées.


* La profession d'infirmier étant très largement féminisée, nous avons choisi de parler des “infirmières” en général pour désigner la totalité de la profession.

Tableau I. Recommandations EULAR concernant le rôle de l’infirmière dans la gestion des RIC [2].

Principes généraux
Les infirmières de rhumatologie font partie d’une équipe de soins
Les infirmières de rhumatologie fournissent des soins fondés sur des données, des preuves
Les soins infirmiers de rhumatologie sont fondés sur une prise de décision partagée avec le patient
RecommandationNiveau de preuveGradeNiveau d’accord (0-10)
1Les patients devraient avoir accès à une infirmière pour une éducation fondée sur leurs besoins afin d’améliorer la connaissance de leur rhumatisme et sa gestion tout au long de leur maladie1BA10,0 ± 0,2
[3, 4]
2Les patients devraient avoir accès aux consultations infirmières afin d’améliorer leur satisfaction à l’égard des soins1AA9,7 ± 0,6
[3-5]
3Les patients devraient pouvoir avoir accès dans un délai convenable au soutien dispensé par une infirmière en fonction de leurs besoins ;
les moyens de cet accès incluent la télésanté
1BB9,7 ± 0,6
[3-5]
4Les infirmières devraient participer à la gestion globale de la maladie afin de contrôler l’activité de la maladie, de réduire les symptômes et d’améliorer les critères souhaités par les patients ; cela conduit à des soins de rapport coût-efficacité satisfaisant1AA9,7 ± 0,5
[3-5]
5Les infirmières devraient aborder les questions psychosociales pour réduire les symptômes d’anxiété et de dépression des patients1BA9,6 ± 0,7
[3-5]
6Les infirmières devraient favoriser les compétences d’autogestion des patients afin d’accroître leur sentiment d’autoefficacité1AA9,8 ± 0 ,4
[3, 4]
7Les infirmières devraient avoir accès à une formation continue spécialisée en rhumatologie et la suivre afin d’améliorer et de maintenir leurs connaissances et leurs compétences2CB9,8 ± 0,7
[3-6]
8Les infirmières devraient être encouragées à assumer des rôles élargis après une formation spécialisée et conformément aux réglementations nationales1AA9,7 ± 0,6
[3-5]
Tableau II. Pathologies concernant les infirmières de pratique avancée (IPA).

• Oncologie et hémato-oncologie
• Maladie rénale chronique, dialyse, transplantation rénale
• Prévention et polypathologies courantes en soins primaires
• Pathologies chroniques stabilisées
- Accident vasculaire cérébral
- Artériopathies chroniques ; cardiopathie, maladie coronaire
- Diabète de type 1 ou 2
- Insuffisance respiratoire chronique
- Maladie d’Alzheimer et autres démences ; maladie de Parkinson ; épilepsie

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9. Haute Autorité de santé. Protocole de coopération entre professionnels de santé. https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1240280/fr/protocole-de-cooperation-entre-professionnels-de-sante (19/01/2019).

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27. Beauvais C et al. ­Self‑reported competencies and educational needs of rheumatology nurses: results of a national survey. Joint Bone Spine 2020;87(1):91-3.


Liens d'intérêt

C. Beauvais déclare avoir des liens d’intérêts avec AbbVie, Pfizer, MSD, Roche, BMS, UCB, Sanofi, Mylan, Fresenius-Kabi (interventions ponctuelles et/ou bourse de recherche).

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