Une pathologie moins fréquente que chez la femme pour différentes raisons
L'ostéoporose masculine est moins fréquente que l'ostéoporose postménopausique. Sa prévalence est cependant loin d'être négligeable et mérite qu'on s'y intéresse, d'autant qu'elle présente un certain nombre de spécificités. Tout cela a justifié la rédaction de recommandations françaises dédiées à la prise en charge de l'ostéoporose masculine [1]. Au-delà des aspects purement thérapeutiques, elles précisent la démarche diagnostique lorsqu'on est confronté à cette éventualité.
Comme indiqué précédemment, l'homme, comparativement à la femme, est moins souvent confronté à l'éventualité d'une fragilité osseuse. Cela tient essentiellement au fait que les pièces squelettiques masculines sont plus épaisses que celles de la femme. Ainsi, le pic de masse osseuse acquis en fin de croissance est nettement plus élevé chez l'homme ; précisons que cela peut surtout être observé en absorptiométrie biphotonique à rayons X (DXA), qui mesure une densité surfacique, mais bien moins si l'on utilise la tomodensitométrie quantitative (scanner). Le 2e élément est qu'il n'y a pas, chez l'homme, d'équivalent de la ménopause, de telle sorte que la perte osseuse observée au-delà de 50 ans est linéaire et relativement modérée (entre 0,2 et 0,4 % par an). D'un point de vue physiologique, bien que l'hormone sexuelle majoritaire chez l'homme soit représentée par la testostérone, il s'avère qu'il existe un lien étroit entre l'imprégnation estrogénique et le statut osseux, sachant que, par définition, les taux d'estradiol sont évidemment beaucoup plus bas chez l'homme que chez la femme.
Une épidémiologie singulière
Tous ces éléments permettent de comprendre que les fractures de fragilité au-delà de 50 ans sont moins fréquentes chez l'homme que chez la femme. Pour autant, au-delà de 70 ans, il existe chez l'homme, comme dans la population féminine, une augmentation exponentielle de l'incidence des fractures ostéoporotiques de telle sorte que, dans cette tranche d'âge, un quart des fractures de fragilité et des hospitalisations pour fractures ostéoporotiques touchent les hommes [2]. Les fractures les plus fréquentes au sein de la population masculine sont représentées par les fractures de côtes [3]. En ce qui concerne les fractures vertébrales, il existe une augmentation de leur prévalence avec l'âge. Celle-ci est d'environ 20 % après 75 ans et globalement 25 % des fractures de hanche concernent la population masculine. En outre, il a bien été démontré que la surmortalité observée après ces 2 dernières fractures est plus importante chez l'homme que chez la femme [4]. Cela vaut également pour d'autres fractures : de l'extrémité supérieure de l'humérus, du bassin et, dans une moindre proportion, de l'extrémité inférieure du fémur et de l'extrémité supérieure du tibia.
Des étiologies variées
L'autre élément majeur qui est mis en avant dans ces recommandations est que l'enquête étiologique doit être particulièrement poussée lorsque l'on est confronté à une fragilité osseuse chez l'homme, notamment en présence d'un homme jeune (moins de 50 ans). Ce bilan a pour but de traquer une ostéoporose secondaire (hyperthyroïdie, hypercorticisme endogène, mastocytose, hypogonadisme, etc.). Même si la gravité de l'ostéoporose chez l'homme est conditionnée par la survenue d'une fracture de fragilité, la densitométrie osseuse par DXA occupe une place privilégiée et servira également de base pour établir la stratégie thérapeutique. En effet, de nombreuses études ont clairement démontré que la densitométrie osseuse avait une capacité identique à prédire le risque fracturaire chez l'homme et chez la femme.
Une stratégie thérapeutique assez similaire à celle menée chez la femme, avec cependant des particularités
Le dernier versant de cet éditorial porte logiquement sur la stratégie thérapeutique. Même si une bonne partie de la prise en charge est assez comparable chez l'homme et chez la femme, un certain nombre de spécificités existent, qu'il convient de mettre en exergue. En effet, l'ostéoporose masculine est volontiers multifactorielle et les facteurs de risque d'ostéoporose classique que sont le tabac et l'alcool sont plus souvent retrouvés dans la population masculine. Il conviendra donc d'être particulièrement vigilant sur ce point. Rappelons également que la bronchopathie chronique obstructive constitue un facteur de risque majeur de fracture, notamment vertébrale, et qu'elle est plus fréquemment observée chez l'homme que chez la femme. La prévention des chutes, notamment chez les sujets à risque, particulièrement en cas d'ostéoporose d'origine alcoolique, paraît donc essentielle dans cette population. En dehors de cela, il conviendra de faire en sorte que les apports calciques et le statut en vitamine D soient satisfaisants. Insistons également sur les apports en protéines qui paraissent particulièrement importants en cas de dénutrition, quelle qu'en soit l'étiologie (ostéoporose d'origine alcoolique, notamment).
Une offre thérapeutique moindre et quelques spécificités
En ce qui concerne l'approche médicamenteuse, notre arsenal thérapeutique est un peu moins fourni dans la population masculine que féminine, même s'il n'existe pas de différence notable. Le 1er point a trait aux indications thérapeutiques et, de ce point de vue, il n'y a pas de différence en ce qui concerne les seuils d'intervention en fonction de l'existence ou non d'un antécédent fracturaire et en fonction du fait qu'il s'agit d'une fracture sévère ou non. Ces éléments sont résumés dans le tableau.
Dans la majorité des cas, le traitement prescrit en 1re intention est un bisphosphonate, sachant que le risédronate 35 mg est le seul bisphosphonate per os disponible à avoir une autorisation officielle dans l'ostéoporose masculine. L'existence d'un hypogonadisme primitif doit logiquement conduire à la mise en œuvre d'un traitement androgénique qui est nécessaire, mais pas toujours suffisant, notamment en présence d'une ostéoporose fracturaire. Dans cette situation, le traitement devra alors être associé à un bisphosphonate. À ce sujet, bien que 2 bisphosphonates soient disponibles dans cette indication (risédronate et acide zolédronique), seul l'acide zolédronique a fait la preuve de son efficacité antifracturaire dans cette population. Il convient cependant de préciser qu'une directive européenne autorise les firmes à s'en tenir à une étude densitométrique lorsque la preuve de l'efficacité antifracturaire a été apportée dans la population féminine et à partir du moment où les gains densitométriques observés avec le traitement sont comparables dans les 2 sexes. Le tériparatide, comme chez la femme, peut être utilisé y compris en 1re intention lorsqu'il existe au moins 2 fractures vertébrales. La durée des cycles thérapeutiques apparaît identique chez l'homme et chez la femme. De même, les modalités de suivi et de reprise éventuelle du traitement après un 1er ou un 2e cycle thérapeutique n'offrent pas de particularité chez l'homme comparativement à la femme.
Espérons donc que ces recommandations très complètes, précises et didactiques, permettent d'éclairer au mieux le praticien lorsqu'il est confronté à une ostéoporose masculine.