Que ce titre, qui résume plus de 25 ans de parcours chaotique depuis les ordonnances Juppé qui ont institutionnalisé en 1996 la “FMC”, la formation continue des médecins, est approprié ! Compte tenu des difficultés récurrentes liées à la complexité des réformes et à la résistance naturelle des Français, il est utile de faire le point sur la mise en place de la certification périodique des médecins. Elle a démarré officiellement depuis le 1er janvier 2023, sa réussite dépend de nous !
Quelques rappels historiques
Depuis la fin des années 1990, au fil des gouvernements et des lois, nous sommes passés par l’EPP (évaluation des pratiques professionnelles) en 2004, par l’accréditation de la HAS pour les spécialités à risque – dont la rhumatologie ne fait pas partie ! – en 2006, puis par le DPC (développement professionnel continu) en 2009 [1].
En 2016, la loi de modernisation de notre système de santé et le décret du 8 juillet 2016 instaurent un “nouveau DPC”, dispositif réglementé de formation avec une obligation individuelle triennale qui remplace les dispositifs conventionnels de formation.
L’obligation de DPC s’impose donc à tous les professionnels de santé depuis 2012 ! Pour remplir cette obligation, le professionnel doit effectuer UNE des démarches suivantes :
- suivre un parcours triennal construit à partir des recommandations du CNP (Conseil national professionnel) de sa spécialité ou de sa profession (pour nous, le CNP de rhumatologie, ou CNPR) ;
- s’engager dans une démarche d’accréditation ;
- s’engager dans un DPC individuel comportant des actions de formation, d’évaluation et d’amélioration des pratiques ou de gestion des risques.
Comme déjà précisé, l’accréditation de la HAS ne nous concerne pas. C’est une démarche de gestion des risques qui s’adresse aux médecins exerçant une spécialité ou une activité dite “à risque” dans un établissement de santé public ou libéral : gynécologie-obstétrique, anesthésie-réanimation, chirurgie, spécialités interventionnelles, activités d’échographie obstétricale, de réanimation ou de soins intensifs. Compte tenu du développement de la rhumatologie interventionnelle, c’est déjà une bizarrerie que les rhumatologues qui ont cette pratique ne puissent y accéder…
Restent le DPC individuel et le Parcours professionnel de DPC.
Le DPC… confusion des termes !
Le “DPC” désigne en fait 3 entités bien différentes.
Le 1er DPC, entre 2009 et 2016, peut être oublié, il a été modifié par la loi de 2016.
Le DPC individuel, qui l’a remplacé, est géré par l’Agence nationale du DPC (ANDPC). Il comporte des actions de formation, d’analyse des pratiques ou de gestion des risques qui s’inscrivent obligatoirement dans les orientations prioritaires (soit les OP nationales publiées par la DGOS du ministère de la Santé, soit les OP définies par les CNP). Ces actions doivent être portées par un organisme de DPC (ODPC) enregistré auprès de l’ANDPC. Elles sont éligibles à une indemnisation du médecin qui réalise une telle action et à une rémunération de l’ODPC qui l’organise – pour les rhumatologues : “Rhumato DPC”. Cette modalité de DPC est très restreinte et ne concerne en pratique que les professionnels libéraux, avec un mécanisme très complexe de validation des actions et une gestion autoritaire et restrictive de l’ANDPC. Relativement peu de professionnels y adhèrent.
Le Parcours professionnel de DPC a été élaboré par chaque CNP en 2020 sous l’égide de la Fédération des spécialités médicales (FSM). Veiller à sa cohérence et à sa mise en place effective est une des missions importantes des CNP [2]. Ce “Parcours de DPC” est matérialisé par un menu de diverses actions : actions dites cognitives (de formation), réflexives (d’analyse des pratiques ou de gestion des risques) ou intégrées (combinaison des 2 précédentes dans un enchaînement de type démarche qualité). Il est beaucoup plus proche de la pratique quotidienne de chacun et recouvre un très large ensemble d’actions, permettant une validation simple au fil du temps par chaque médecin (tableau). Pour autant, peu d’entre nous se sont inscrits dans cette dynamique et peu sont inscrits sur la plateforme informatique (https :/ / parcourspro.online) mise à disposition par la FSM pour la compilation des actions effectuées, permettant la validation du cycle triennal par le CNPR.
Le déficit d’information est encore important et les jeunes rhumatologues, premiers concernés par ce Parcours professionnel et par la certification périodique, ne sont pas encore suffisamment impliqués, car sans doute pas assez informés !
La certification périodique, c’est pour maintenant
La certification périodique est la dernière évolution de cette très longue période où la formation des médecins a suivi un chemin chaotique… Espérons que le mot “dernière” ne signifie pas seulement “la plus récente”, mais qu’il traduise enfin un état d’équilibre stable et durable !
La certification périodique est inscrite dans la loi “Ma santé 2022” et a été officialisée par l’ordonnance du 19 juillet 2021 après la mission confiée au doyen Serge Uzan en novembre 2018 par la ministre des Solidarités et de la Santé et la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation [3].
L’ordonnance précise que la certification périodique des professionnels de santé est une procédure “indépendante de tout lien d’intérêt permettant, à échéances régulières au cours de la vie professionnelle, de garantir le maintien des compétences, la qualité des pratiques professionnelles, l’actualisation et le niveau des connaissances” [4].
Ainsi, au titre de la certification, les professionnels de santé devront établir, au cours d’une période de 6 ans, qu’ils ont réalisé un programme minimal d’actions visant à :
- actualiser leurs connaissances et leurs compétences ;
- renforcer la qualité de leurs pratiques professionnelles ;
- améliorer la relation avec leurs patients ;
- mieux prendre en compte leur santé personnelle.
Ce schéma simple (figure) définit les 4 piliers de cette certification, dont le 1er cycle débute en janvier 2023. La périodicité est de 6 ans, mais le 1er cycle sera de 9 ans pour les médecins en exercice qui auront ainsi 3 années pour entrer dans la démarche.
En pratique, chaque professionnel devra choisir et réaliser pendant cette période des actions figurant dans le référentiel établi par le CNP de sa profession ou spécialité. Les actions de ce référentiel seront réparties selon les 4 blocs de la figure en suivant une méthode définie par la HAS et arrêtée par le ministère. La plupart de ces actions figurent déjà dans le document du Parcours professionnel de DPC mentionné plus haut (tableau). Elles seront retracées dans un compte individuel grâce à une plateforme informatique dédiée, gérée par l’Agence du numérique en santé. Citons quelques exemples simples d’actions, déjà largement accessibles, qui pourraient figurer dans le référentiel du CNPR : participations aux congrès de la SFR, à des actions de DPC organisées par Rhumato DPC, à un DIU, activité d’enseignement ou de recherche, maîtrise de stage universitaire, travaux d’expertise, groupes d’analyse de pratiques (RCP, RMM, audits...), groupes de travail tels que ceux élaborant des recommandations, protocole d’exercice au sein d’une équipe pluriprofessionnelle de soins, renseignement de registres, ouverture et mise à jour pérenne du dossier médical ou de l’espace personnel santé, programmes associant des patients, prévention des risques professionnels, maîtrise des risques psychosociaux, etc.
Quels enjeux ?
L’enjeu sociétal est à l’évidence qualitatif. L’enjeu personnel est une valorisation au fil de l’eau et de façon la plus automatisée possible de toutes les actions que nous réalisons déjà dans divers contextes pour qu’elles s’intègrent simplement dans ce nouveau processus.
Bien sûr, comme pour toute réforme ambitieuse, des questions se posent…
Avons-nous affaire au énième avatar de la formation des médecins ? Sommes-nous en train de construire une nouvelle usine à gaz ? Est-ce une nouvelle couche du millefeuille administratif qui nous dévore ? Y aura-t-il des financements suffisants pour assurer la viabilité de cette réforme à long terme ? Les patients ne vont-ils pas s’emparer des données de certification pour établir des classements ou palmarès des médecins ?
À l’heure où ces lignes sont rédigées, quelques incertitudes persistent, puisque tous les textes ne sont pas encore écrits (notamment pour définir le contenu des référentiels et les critères d’éligibilité des actions), que les financements ne sont pas encore sécurisés, que la plateforme informatique est en cours d’élaboration.
L’équipe de la FSM en charge du suivi de la mise en place de la certification, sous l’égide de la Commission nationale de la certification professionnelle, veille à ce que les professionnels gardent le contrôle de cette réforme et en assurent un fonctionnement simple et souple pour qu’elle atteigne son objectif qualitatif sans altérer notre qualité de vie !