Le traitement pharmacologique a considérablement évolué depuis ces dernières années dans la prise en charge de la spondyloarthrite axiale, avec la préconisation d’un traitement à la cible (treat-to-target, T2T), supposant une adaptation thérapeutique jusqu’à l’obtention d’une rémission ou d’une faible activité de la maladie, ce qui suppose parallèlement un suivi rapproché (tight control) [1].
La multiplication des options disponibles sur le plan thérapeutique (biologiques : anti-TNF et anti-IL-17 ; ciblés synthétiques : inhibiteurs de JAK) permet de s’approcher de ce concept thérapeutique mais soulève différents problèmes, en particulier du fait de l’absence, dans la spondyloarthrite axiale, de thérapeutiques intermédiaires entre les anti-inflammatoires non stéroïdiens, d’une part, et les traitements ciblés, biologiques ou synthétiques, d’autre part.
Schématiquement, différentes situations sont envisageables (figure) pour lesquelles le niveau de preuve dans la littérature est très variable.
En cas de réponse absente ou insuffisante, il peut être tentant de majorer la posologie du traitement ciblé, au-delà des recommandations. Cela est possible pour certains traitements en fonction du poids (golimumab), ou en cas de présence de psoriasis cutané (anti-IL-17). Il n’y a cependant pas de données prospectives démontrant, en cas de réponse insuffisante, qu’une majoration de la posologie permet d’obtenir de façon significative une mise en rémission ou en faible niveau d’activité. Par contre, l’augmentation des doses est associée à une augmentation potentielle des effets indésirables. De ce fait, dans cette situation, on est amené à proposer un changement de traitement ciblé, soit dans la même classe (par exemple, récepteur soluble du TNF après un anticorps monoclonal anti-TNF), soit en optant pour un changement pour une autre classe thérapeutique (par exemple, passer à un anti‑IL-17 après échec d’un 1er anti-TNF). Pour ces 2 dernières options, nous disposons de données de registre qui montrent qu’une telle rotation de traitement ciblé est possible, avec, toutefois, une diminution du pourcentage de patients atteignant la réponse en fonction de l’augmentation de lignes de thérapeutique (la proportion de répondeurs est plus faible en 3e ligne qu’en 1re ligne) [2] ; ces registres ont également souligné que la réponse à un 2e traitement ciblé était meilleure en cas d’échec du 1er pour effets indésirables par rapport à une inefficacité [3]. Il reste à savoir si un changement interclasse est plus efficace qu’un changement intraclasse ; une étude prospective en cours (programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) national ROC-SPA) s’attache à cette question, en sachant que les études rétrospectives de registre ne semblent pas mettre en évidence de différence notable entre ces 2 adaptations [4].
En cas de rémission ou de faible niveau d’activité, on peut bien évidemment maintenir le traitement en l’état sans changement, mais afin de réduire l’exposition thérapeutique et donc le risque d’effets indésirables, et de réduire également les coûts du traitement, une diminution du traitement ciblé peut être envisagée. L’arrêt brutal total n’est pas recommandé, car il s’accompagne immanquablement, dans les semaines ou les mois qui suivent, d’une rechute de la maladie, sans garantie de retrouver une rémission à la reprise du traitement. Il est donc privilégié soit une réduction des doses, soit plutôt un espacement de l’administration du traitement ciblé. Diverses études, rétrospectives sur registre, ou prospectives [5-9], ont montré la faisabilité d’une telle démarche, sans risque particulier de rechute, à condition que l’espacement soit progressif et adapté, quitte à réaugmenter la fréquence des injections en cas de diminution de l’efficacité, dans une stratégie de traitement à la cible. L’objectif est d’éviter la survenue de poussées et de maintenir le patient dans un état de faible activité de la maladie. Cela a été mis en évidence particulièrement pour les anti-TNF dans l’étude SPACING (PHRC national) présentée au congrès EULAR en 2021.
L’application d’un tel schéma suppose des critères de réponse thérapeutique, des critères de rémission ou de faible niveau d’activité, fiables et adaptés à la pratique courante.
Il convient également d’analyser les causes de l’échec, c’est-à-dire de la non‑obtention du faible niveau d’activité, et de différencier l’inflammation du reste, avec en particulier la reconnaissance d’un syndrome douloureux résiduel avec les douleurs nociplastiques [10], et également l’association et la potentielle interférence avec une fibromyalgie [3, 11, 12]. Dans cette considération, la prise en compte de l’existence et de l’évolutivité de manifestations extrarhumatologiques peut également avoir son importance. Il convient aussi de fixer une durée minimale pour l’évaluation de l’échec mais également l’évaluation de l’état de rémission ou de faible niveau d’activité, cela pour ne pas se précipiter et ne pas “griller” trop vite les différentes cartouches utilisables.
Ce n’est pas parce que l’on a la possibilité de changer de traitement qu’il faut le faire. Cela s’articule en 2 éléments principaux : premièrement, être certain du diagnostic de spondyloarthrite, deuxièmement, s’assurer que les éléments symptomatiques faisant parler de non-contrôle de la maladie (cible thérapeutique non atteinte) sont bien liés à la maladie et à son évolution inflammatoire. L’adaptation thérapeutique ne se limite pas à la seule modulation des traitements ciblés, il est important de rappeler la place des traitements non pharmacologiques, avec la possibilité de leur adaptation dans un but d’optimisation globale de la prise en charge du patient, parallèlement à l’emploi de traitements immunopharmacologiques sophistiqués.
Ces différents aspects sont envisagés dans la dernière révision des recommandations nationales de prise en charge des patients atteints de spondyloarthrite [13]. Finalement, le rhumatologue a toutes les cartes en main, avec beaucoup d’atouts, à lui de bien les utiliser.