Éditorial

La place de l’immunologie dans la formation des jeunes rhumatologues ou l’éloge de l’immunorhumatologie


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La rhumato­logie est riche de sa diversité, ce qui en fait une discipline complète, forte de ses bases cliniques, mais aussi à la pointe de la connaissance et de l’innovation dans de grands domaines comme l’immuno­rhumato­logie.

Ainsi, en rhumato­logie, la formation, initiale et continue, doit nécessairement intégrer la découverte de l’immuno­logie et des mécanismes des grandes maladies inflammatoires, que l’on regroupe maintenant sous l’appellation “IMID” (maladies inflammatoires à médiation immunitaire).

L’importance épidémiologique, médicoscientifique et médicoéconomique de ces maladies souvent complexes en fait un thème majeur de la formation en rhumato­logie, mais aussi dans d’autres disciplines comme l’hématologie, la néphrologie, la dermatologie, la médecine interne et bien d’autres, au-delà du simple périmètre disciplinaire de l’immuno­logie clinique. C’est pour cette raison que nous avons plaidé en faveur de la création d’une nouvelle formation scientifique transversale (FST) d’immuno­pathologie, qui sera accessible aux jeunes rhumato­logues et à d’autres disciplines. Chacune d’entre elles, en premier lieu la rhumato­logie, doit maintenant intégrer l’acquisition non seulement de connaissances rapidement évolutives, mais aussi de compétences indispensables au maniement de nombreuses immuno­thérapies ciblées.

Est-il réellement nécessaire de s’en convaincre ? Si tel est le cas, il est important de partager de façon détaillée différents arguments importants qui justifient une formation renforcée à l’immuno­rhumato­logie à la fois pour nos jeunes étudiants et pour nos praticiens qui prennent en charge de plus en plus de maladies inflammatoires.

  • L’incidence des IMID est croissante, comme en témoignent de récentes études épidémiologiques, et devient une préoccupation quotidienne. Nombre de ces maladies débutent par des manifestations inflammatoires ostéoarticulaires, ce qui fait du rhumato­logue un médecin du “dia­gnostic de 1re ligne”, en appui spécialisé du médecin traitant. La force d’un réseau de rhumato­logues libéraux et hospitaliers est un immense atout pour la prise en charge initiale de ces maladies, dont le pronostic dépend souvent d’un dia­gnostic et d’un traitement précoces.
  • Ces maladies ont des mécanismes complexes à l’interface de facteurs immuno­génétiques qui interagissent avec nos exposomes, c’est-à-dire notre environnement. L’immuno­pathologie est en train de transformer la taxonomie de ces maladies qui seront bientôt classées davantage selon leurs mécanismes immunitaires (cytokiniques et/ ou moléculaires) que selon leur aspect clinique. Cette approche permettra certainement d’imaginer de nouvelles stratégies dia­gnostiques mais aussi thérapeutiques, dont la complexité doit reposer sur des bases cliniques solides. Et quel meilleur expert de l’art de l’examen clinique que le rhumato­logue ?
  • L’immuno­pathologie des IMID est un domaine d’expertise de l’immuno­rhumato­logie dans le monde entier. En France et en Europe, de nombreuses équipes de recherche dirigées par des rhumato­logues et/ ou composées de rhumato­logues travaillent pour mieux comprendre ces maladies. De nouvelles technologies permettent des analyses omiques, parfois à l’échelle unicellulaire, mais aussi des approches plus intégratives beaucoup plus “réalistes”, telles que la formation d’organoïdes. Au-delà du côté passionnant de la découverte des mécanismes immuno­logiques, cette recherche s’étend à des domaines d’interface comme les mécanismes oncogéniques et psycho-neuro­-immuno­-endocriniens qui sous‑tendent des phénomènes fondamentaux comme la douleur chronique et la fatigue. Les rhumato­logues doivent être initiés à ces avancées scientifiques fondamentales, source de motivation – et parfois d’un réel émerveillement – et certainement d’avancées thérapeutiques pour demain.
  • La plus fréquente des IMID, la polyarthrite rhumato­ïde, a été la première à bénéficier d’une biothérapie ciblée : les anti­-TNF, qui en ont révolutionné le pronostic. Ainsi, 25 ans après la découverte des anti­-TNF, la plupart des IMID profitent des progrès considérables de l’immuno­thérapie ciblée qui offre aujourd’hui des perspectives thérapeutiques permettant d’envisager jusqu’à la guérison. Nous vivons une “révolution permanente” de l’immuno­thérapie avec les dernières avancées que sont les CAR-T cells, mais aussi les NK-engagers et les nouveaux anti­corps monoclonaux bispécifiques immuno­déplétants.

Une formation novatrice et ambitieuse est indispensable pour se doter de compétences de recours indispensables dans les centres de références et de compétences de terrain pour mieux prendre en charge les patients. Il est fondamental de bien comprendre le maniement (bénéfice/ risque) de l’arsenal d’immuno­thérapies dont nous disposons, en dépassant largement une formation par “la recette”, désormais insuffisante et indigne d’une immuno­rhumato­logie moderne.

Bientôt, nous aurons besoin de la compétence de jeunes rhumato­logues pour partager et coordonner des centres d’immuno­thérapie intensive, mais aussi de stratégies réparatives et préventives. L’immuno­thérapie de demain sera peut-être préventive… Prenons-en le pari… Dans cette optique, il faut poursuivre une démarche acharnée de recherche et de formation en immuno­rhumato­logie.

L’avenir de la rhumato­logie est pluriel. De nombreuses perspectives s’ouvrent pour notre discipline, en particulier en ostéo-immuno­logie, en oncorhumato­logie et en rhumato­-algologie, avec des applications dans de nombreuses affections ostéoarticulaires et systémiques. Nous devons être à la “pointe du combat”, fiers de notre culture anatomoclinique rhumato­logique mais aussi de compétences immuno­biologiques nouvelles. La rhumato­logie, forte de l’immuno­rhumato­logie, est une formidable discipline. Soyons-en fiers, mais cultivons une recherche et une formation d’excellence capables de (re)donner ses lettres de noblesse à notre discipline qui le mérite bien.

Vive l’immuno­rhumato­logie !


Liens d'intérêt

J. Sibilia et X. Mariette déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet éditorial.

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