Syndrome hyperinflammatoire et infection par le SARS-CoV-2 (ID6925, 6927, 6881, LB0001)
L'orage cytokinique responsable de complications d'organes (myocardite, SDRA) ou systémiques (syndrome d'activation macrophagique, syndrome d'inflammation multisystémique) est une complication bien décrite de l'infection par le SARS-CoV-2.
Une première présentation a décrit l'épidémiologie et la présentation clinique des syndromes d'inflammation multisystémique pédiatriques rencontrés pendant la pandémie de Covid-19 (multi-inflammatory syndrome in children, MIS-C)(figure 1). Les MIS-C partagent des similarités avec la maladie de Kawasaki, bien connue des pédiatres : fièvre prolongée, exanthème, énanthème, conjonctivite, atteinte cardiaque, coagulopathie et élévation franche des marqueurs inflammatoires, dont la ferritine (figure 1). La gravité de ces syndromes repose essentiellement sur l'atteinte cardiovasculaire, avec une myocardite et une dysfonction ventriculaire gauche sévère pouvant nécessiter une oxygénation extracorporelle (ECMO). Des dilatations coronaires peuvent survenir, comme dans la maladie de Kawasaki. La prise en charge repose sur un diagnostic rapide et une prise en charge hospitalière associant corticothérapie, immunoglobulines intraveineuses à dose immunomodulatrice, anticoagulation et soutien d'organe. La physiopathologie de l'orage cytokinique (chez l'enfant et adulte) semble reposer sur la conjonction de plusieurs facteurs :
- une réplication virale incontrôlée, consécutive à une réponse (antivirale) interféron de type I insuffisante. La faible réponse interféron est conditionnée par des facteurs de l'hôte (polymorphisme génétique, présence d'anticorps anti-interféron) ainsi que des facteurs viraux (inhibition de la reconnaissance de l'ARN viral par la cellule via certaines protéines non structurales) ;
- une tentative de compensation par une “explosion” des voies de l'inflammation avec mort cellulaire par pyroptose des cellules immunitaires (mort cellulaire inflammatoire, qui s'oppose à l'apoptose). Cette pyroptose induit le relargage de grandes quantités de cytokines inflammatoires telles que les interleukines 1 et 6 et est responsable de l'état hyperinflammatoire ;
- l'état hyperinflammatoire induit des lésions d'organes directes (toxicité des cellules immunitaires infiltrant les organes) et indirectes, notamment par la coagulopathie induite par l'activation plaquettaire consécutive à l'inflammation (immunothrombose). Ces mécanismes physiopathologiques expliquent la place unique des traitements utilisés en rhumatologie. La corticothérapie (dexaméthasone) a démontré son effet bénéfique sur la mortalité des patients atteints de Covid-19 oxygénodépendants. L'inhibition de l'IL-6 semble également intéressante chez les patients présentant un orage cytokinique, une méta-analyse récente retrouvant une baisse de la mortalité à 28 jours de 14 % (IC95 : 5-21). Les études ayant évalué des inhibiteurs de l'IL-1 et de l'IL-17 sont en revanche négatives. Les anti-JAK pourraient également avoir un intérêt, une étude suggérant un bénéfice de l'association baricitinib + remdésivir, et une autre, plus récente, suggérant celui du tofacitinib sur la mortalité des patients atteints de Covid-19 hospitalisés [1].
Enfin, une communication “late-breaking” a rapporté les résultats d'une étude de phase II sur le mavrilimumab (anticorps ciblant le GM-CSF) chez les patients atteints de Covid-19 hospitalisés et oxygénodépendants avec des signes biologiques d'hyperinflammation. 114 patients ont été randomisés pour recevoir, en aveugle, du mavrilimumab 6 ou 10 mg/ kg ou un placebo. Le critère de jugement principal (proportion de patients vivants et non ventilés à 29 jours) montrait un avantage numérique dans le groupe mavrilimumab sans atteindre la significativité (87 versus 74 % ; p = 0,12). Le risque d'intubation ou de décès était diminué de 65 % (p = 0,018) dans le groupe mavrilimumab. Plusieurs critères secondaires montraient un avantage non significatif dans le groupe mavrilimumab. Il n'y avait pas de signe de tolérance, notamment infectieux. Aucun épisode de thrombose n'était noté dans le groupe mavrilimumab, contre 5 dans le groupe placebo.
M. Scherlinger
Traitements de fond et Covid
L'une des préoccupations majeures des rhumatologues au cours de la dernière année a été la gestion des traitements de fond, et plus particulièrement des biothérapies, dans le contexte particulier de la pandémie de Covid-19. Une étude réalisée par la Covid-19 Global Rheumatology Alliance chez 6 132 sujets atteints de polyarthrite rhumatoïde (PR) et ayant contracté une infection à SARS‑CoV-2 entre mars 2020 et avril 2021 a mis en évidence un risque plus élevé de formes sévères de Covid-19 chez les patients sous rituximab et inhibiteurs de JAK comparés aux anti‑TNF, avec des OR ajustés de 4,15 (IC95 : 3,16‑5,44) et 2,06 (IC95 : 1,60‑2,65), respectivement (abstr. OP0006). Il n'y avait pas de relation significative entre la prise d'anti-IL-6R et la sévérité de la Covid‑19.
Une autre question majeure est celle de l'immunogénicité, de l'efficacité et de la tolérance de la vaccination anti-Covid-19 chez nos patients atteints de maladies auto-immunes (MAI). Une étude prospective multicentrique israélienne effectuée entre décembre 2020 et mars 2021 s'est intéressée à cette question dans le cadre du vaccin à ARNm BNT162b2 (abstr. LB0003). Au total, 686 sujets adultes atteints de MAI, dont 263 atteints de PR, 167 atteints de rhumatisme psoriasique, 74 atteints de spondylarthrite axiale, 102 atteints de lupus et 73 atteints de vascularite, ont été comparés à 121 sujets issus de la population générale sans RIC et non immunodéprimés. Parmi les sujets atteints de MAI, 653 (95,2 %) recevaient un traitement immunosuppresseur ou immunomodulateur. L'immunogénicité était significativement plus faible chez les sujets atteints de MAI que chez les sujets sains (p < 0,0001), mais le taux de séropositivité était tout de même élevé dans ce groupe (n = 590, 86 %). Seul 1 patient atteint de MAI est décédé de la Covid après la vaccination ; un autre patient a contracté une forme non sévère, dont il a guéri. La prévalence des effets indésirables modérés était similaire dans les 2 groupes d'étude ; 10 effets indésirables sévères et 3 décès sont survenus après la vaccination chez les patients atteints de MAI. L'activité de la maladie inflammatoire restait stable après la vaccination chez 60 à 99 % des sujets selon la pathologie. Ces données sont donc globalement rassurantes quant à l'efficacité et à la tolérance de la vaccination chez les sujets atteints de MAI.
J. Kedra
Efficacité vaccinale
Dans une étude prospective, observationnelle, ouverte, contrôlée et multicentrique, la tolérance et l'efficacité du vaccin Pfizer BioNTech ont été étudiées chez des patients atteints de MAI (n = 686 ; âge moyen : 59 ans) 2 à 6 semaines après l'administration de la deuxième dose du vaccin (abstr. LB0002). Le groupe témoin était composé de 121 personnes en bonne santé. Une valeur d'anticorps neutralisants > 15 U a été considérée comme un seuil positif de réponse. Le taux de réponses était de 86 % dans le groupe MAI et de 100 % dans le groupe témoin. Les patients traités par rituximab avaient des réponses plus faibles (41,4 %). Les autres DMARD associés à des taux réduits étaient les glucocorticoïdes (66,2 %), l'abatacept (62,5 %), le mycophénolate mofétil (64,3 %) et, dans une moindre mesure, le méthotrexate (84,1 %). Les biothérapies anticytokiniques et les inhibiteurs de JAK avaient peu d'impact. De plus, des taux de réponses plus faibles ont été plus souvent observés chez les patients de plus de 65 ans (79,3 %) et pour certains diagnostics (PR : 82,1 % ; myopathies inflammatoires : 36,8 % ; et vascularite à ANCA : 30,77 %) (figure 2). ■