En 1996 nous avions effectué une enquête auprès de gynécologues français sur le thème de la grossesse après un cancer du sein (1). À l'époque, la majorité la déconseillait, beaucoup poussaient à l'interruption de grossesse, de nombreux disaient ne pas savoir… Que d'avancées positives pour les femmes jeunes depuis lors !
Diverses études ont permis d'établir le fait qu'une grossesse après avoir eu un cancer du sein n'augmente pas le risque de rechute, et ce y compris en cas de cancer RH+. Certaines études montrent même moins de rechutes chez les patientes enceintes (healthy mother effect), mais on ne peut pas exclure que les phénomènes hormonaux et immunitaires associés à la grossesse aient un effet protecteur.
Puisqu'il n'y a pas de risque augmenté de rechute, il était logique de proposer aux femmes jeunes de préserver leur fertilité, avant même de commencer leur traitement cancérologique. Il fallut donc créer des structures ad hoc ; ainsi sont nées les consultations d'oncofertilité et la possibilité d'utiliser diverses techniques de procréation médicalement assistée. Ces procédures de préservation de la fertilité semblent également sans sur-risque de rechute dans la plupart des études, avec cependant un recul encore court.
Ces grossesses ont aussi été rendues possibles grâce à nos progrès thérapeutiques. D'après les dernières données épidémiologiques, la survie des femmes âgées de moins de 44 ans atteintes d'un cancer du sein est de 90 % à 5 ans, de 80 % à 10 ans et de 66 % à 15 ans. Il faut donc noter qu'il existe des rechutes tardives.
Nous avons également progressé dans le traitement des cancers du sein survenant pendant la grossesse. Alors qu'autrefois l'interruption de grossesse était quasi systématique, nous traitons actuellement les femmes enceintes qui souhaitent garder leur grossesse. La chirurgie est toujours possible, la chimiothérapie l'est à partir du 2e trimestre de la grossesse. En revanche, la radiothérapie et l'hormonothérapie doivent être différées après l'accouchement. L'allaitement n'est plus systématiquement déconseillé, sauf en cours de traitements médicaux.
Pour les femmes dont le cancer nécessite d'être traité par une hormonothérapie d'une durée qui risque de rendre impossible tout projet de grossesse, il nous arrive même de proposer en RCP, au bout de 2 ou 3 ans de traitement, de le suspendre le temps qu'elles mènent à bien leur grossesse et de le reprendre à son issue (protocole POSITIVE).
Ce dossier de La Lettre du Sénologue détaille toutes ces données et bien d'autres encore. Il fera date !