Le dossier de ce numéro de La Lettre du Sénologue est consacré aux inhibiteurs de CDK4/6. En effet, les données que nous avons commencent à être “mûres” et nous permettent de tirer des conclusions intéressantes.
La cycline D et les kinases 4 et 6 dépendantes des cyclines jouent un rôle essentiel dans la régulation de la prolifération cellulaire en association avec la protéine du rétinoblastome et en lien avec des voies de signalisation cellulaire, comme la voie des récepteurs hormonaux, mais également avec des voies de signalisation intracellulaire telles que HER2. Ces molécules, associées avec l'hormonothérapie, sont devenues incontournables dans le traitement des patientes qui ont un cancer du sein métastasé RH+ HER2−.
Plusieurs études ont mis en évidence un gain en survie sans rechute lors de leur utilisation, et même, pour certaines d'entre elles, un gain en survie globale. Carole Pflumio et Thierry Petit reviennent sur le mécanisme d'action de ces molécules et les raisons pour lesquelles il a été choisi de les associer à l'hormonothérapie. Stéphanie Bécourt nous détaille le résultat des études publiées avec les différentes molécules. Il est cependant impossible de comparer réellement leur efficacité respective (les essais portent sur des populations différentes et, bien évidemment, ne comparent pas ces molécules entre elles). Fatma Guermazi et al. reviennent sur leurs effets indésirables : neutropénie pour certaines, mais souvent sans épisode fébrile, diarrhées pour d'autres, allongement du QT, etc.
Les premières études en situation adjuvante sont rapportées, avec des résultats mitigés : décevants pour certaines, encourageants pour d'autres, mais beaucoup trop précoces pour toutes ! En situation néoadjuvante, les résultats sont également préliminaires, avec des taux de réponses faibles, même si les données biologiques sont intéressantes, avec un arrêt du cycle cellulaire ; ces résultats sont détaillés par Fanny Le Du et Véronique Diéras. Mais pourquoi réserver ces molécules aux cancers RH+ et ne pas les utiliser pour traiter les patientes avec des tumeurs triple-négatives ou qui surexpriment HER2 ? Florence Dalenc et Vincent Nicolaï nous expliquent les approches originales, en particulier pour les cancers HER2 de score 3+ RH+, où une triple association – hormonothérapie, inhibiteurs de CDK4/6 et agents anti-HER2 (sans chimiothérapie) – pourrait être envisagée sur la base d'arguments biologiques solides. Pour les cancers du sein triple-négatifs, les études en cours concernent essentiellement le sous-groupe des cancers du sein RE−, RP−, HER2− mais RA+. Beaucoup de travail en perspective !
Il nous faut regarder derrière nous pour apprécier les progrès effectués depuis ces 30 dernières années et les gains en survie trop modestes, bien sûr, mais réels, car si l'incidence du cancer du sein continue de croître d'environ 0,6 % par an, sa mortalité a diminué de 1,6 % par an, entre 2010 et 2018 (données INCA).