Le cancer est une des préoccupations majeures du transplanteur. Plusieurs facteurs l'expliquent, que ce numéro du Courrier de la Transplantation tente d'explorer :
Jérôme Le Pavec a revisité dans ce numéro la transplantation pulmonaire pour cancer, qui reste, pour les transplanteurs pulmonaires, un sujet difficile. Shaida Varnous et al. ont revu les indications de transplantation cardiaque après cancer et la toxicité cardiaque des chimiothérapies pour cancer, sujet innovant. Les cancers sont une indication majeure de TH, qui fait actuellement l'objet de nombreuses réflexions. Pour le carcinome hépatocellulaire, indication classique en nette progression depuis 10 ans, l'une des pistes a été de limiter le pourcentage de récidives en sélectionnant les futurs receveurs : sur la taille et le nombre des tumeurs, mais également sur le taux d'alphafœtoprotéine, qui sont des facteurs prédictifs majeurs de la récidive, actuellement associés, en France, en un “score alphafœtoprotéine” qui limite considérablement la récidive, mais au prix d'une exclusion excessive qui pénalise de “bons” receveurs (cf. l'article de Christophe Duvoux, qui est l'initiateur de ce score). L'objectif suivant sera de trouver des paramètres plus sophistiqués, permettant de rattraper ces receveurs potentiels. Trois autres indications de TH pour cancer sont ici discutées : le cholangiocarcinome périhilaire (cf. l'article d'Emmanuel Boleslawski), où la transplantation obtient de bons résultats dans des cas très strictement sélectionnés, au prix d'une radiochimiothérapie préparatoire lourde ; les métastases de tumeurs neuroendocrines (cf. l'article de Thomas Walter et al.), et les métastases de cancer colorectal (cf. l'article de Maximiliano Gelli et René Adam), longtemps exclues de la TH, qui pourraient en faire l'objet, après une sélection précise, cela faisant actuellement l'objet d'un programme hospitalier de recherche clinique (PHRC). L'équipe d'oncohépatologie de la Pitié-Salpêtrière (Alina Pascale et al.) a revu les alternatives à la TH (radiothérapie, radioembolisation, thérapie virologique, immunothérapie), qui peuvent également être des traitements d'attente de la TH, et qui sont un sujet en forte progression.
L'attitude à adopter chez les receveurs potentiels ayant un antécédent de cancer n'est pas consensuelle, et repose sur des bases fragiles (cf. l'article de Romain Boissier). En effet, les registres disponibles, notamment le premier d'entre eux, celui d'Israel Penn, sont anciens, et reflètent des prises en charge obsolètes en termes d'indications et d'immunosuppression : de plus, la démographie des receveurs a beaucoup changé. Des données robustes persistent (1, 2) : il convient d'être très restrictif en cas de cancers à risque (mélanome, cancer du sein, myélome, cancers de la vessie ou du rein évolués, etc.), où la présence de cellules tumorales dormantes expose à un risque de récidive élevé. La durée d'attente n'est pas clairement définie : elle peut atteindre 5 ans dans les formes les plus à risque, mais cette attente, si elle reste possible en transplantation rénale, est souvent impossible pour les transplantations vitales.
Enfin, l'équipe de Christophe Tournigand (cf. l'article d'Aude Guillemin et al.) aborde ici la prise en charge des cancers solides chez le transplanté d'organe solide, avec les nombreux problèmes posés par les interactions pharmacocinétiques et pharmacodynamiques.
Ce numéro n'aborde pas 2 sujets majeurs, qui feront l'objet d'articles ultérieurs : la transmission du cancer à partir du donneur (3), et la modulation possible du risque de cancer postgreffe, notamment par la manipulation des immunosuppresseurs (4, 5). ■