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Éditorial

Et cette machine dans ma tête


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Le point de vue d’Éric Epailly (transplantation cardiaque)

La définition du mot machine, du latin machina (­invention, engin), désigne l’appareil ou l’ensemble d’appareils capables d’effectuer un certain travail ou de remplir une certaine fonction, soit sous la conduite d’un opérateur, soit d’une manière auto­nome.

Eugene Allen ne se doutait pas que la pompe péri­staltique, qu’il breveta en 1881, serait encore à la pointe du progrès près de 150 ans plus tard.

En médecine, l’émergence de nouvelles technologies permet régulièrement d’améliorer la prise en charge des patients et la qualité des soins. Il suffit d’entrer dans une chambre de soins intensifs pour réaliser ­l’irruption constante de nouvelles technologies de tous types au service du patient. Toutes les spécialités sont concernées, et la transplantation n’est pas en reste, notamment lors du prélèvement afin de pallier le manque d’oxygène dont souffrent les greffons et qui a des conséquences majeures sur les résultats à court et à long terme.

Toutefois, cette mécanisation du prélèvement n’est pas sans écueils.

Le coût financier est devenu un paramètre incontournable dans l’évaluation de nos pratiques. Il doit aider à guider nos choix entre plusieurs options thérapeutiques dans le but d’optimiser l’utilisation des ressources pour l’intérêt général des populations confrontées à un Objectif national de dépenses ­d’assurance maladie (ONDAM) inextensible et fixé a priori, malgré l’accroissement démographique et le vieillissement. Si le coût est un paramètre souvent facile à déterminer, l’évaluation du bénéfice (en termes de coût également) est moins aisée pour une activité dénombrant plus d’une centaine de paramètres confondants, et cela sur des échanti­llons restreints.

L’adaptation de nos moyens de transport est indispensable pour embarquer du matériel ­volumineux. Par exemple, une console OCS TransMedics® mesure 96 cm de hauteur (avec les roues) et 72 cm de ­largeur pour un poids (avec le plein de fluides) de 45 kg. Cela doit bien naturellement être pris en compte pour adapter le moyen de transport en tenant compte du volume, du poids, de la maniabilité et du besoin en énergie. Lorsque l’hélicoptère ou le type d’avion ne remplit pas ces critères, il faudra choisir entre un temps de transport plus long sous machine ou un transport court sans machine.

Mais cela implique l’adaptation des effectifs pour surveiller et assurer également le bon fonctionnement de ces machines, tâche qui s’avère difficile en ces temps peu propices au recrutement et à la fidélisation des personnels soignants. En effet, une rémunération inadaptée à la hauteur de la tâche et des responsabilités, un manque de reconnaissance et des perspectives d’évolution de carrière souvent insuffisantes n’encouragent pas les professionnels de santé à embrasser une carrière au CHU et peuvent constituer un frein à l’usage des machines.

Enfin, si nous arrivons à franchir ces écueils de façon pérenne, il nous faudra analyser le bénéfice de ­l’utilisation de ces machines, en prenant en compte les caractéristiques propres aux types ­d’organes, aux ­donneurs, aux receveurs et aux distances ­parcourues. Nul doute que ce numéro du Courrier de la Transplantation nous aidera à avancer dans nos choix pour le bénéfice de nos patients.

Le point de vue d’Olivier Scatton (transplantation hépatique)

En transplantation hépatique, si les machines de perfusion oxygénée hypothermique représentent un progrès et semblent améliorer la tolérance à l’ischémie froide et minimiser les effets de l’ischémie reperfusion, le vrai changement de paradigme repose sans aucun doute sur la perfusion normothermique. Outre ses capacités à ­tester la fonction de greffons marginaux, elle ouvre surtout les perspectives de perfusion prolongée sur plusieurs jours, temps nécessaire pour corriger ou améliorer des greffons jugés non transplantables, tels que les greffons stéatosiques, pour traiter un ­problème infectieux, pour obtenir une histologie parfois indispensable, pour ­transformer une greffe compliquée de nuit en une opération élective de jour avec tous les professionnels compétents réunis, pour induire une immuno­suppression – voire une immuno­tolérance avant l’implantation – , pour modifier des gènes… Ainsi, nombreux sont les perspectives et les projets réalisables grâce à cette technologie.

La perfusion normothermique s’est ­concrétisée ­récemment à Zurich, grâce à l’équipe du Pr P.A. Clavien, en permettant une greffe 3 jours après le prélèvement avec succès. Il faudra probablement plus de 3 jours pour “défatter” entièrement un foie gras de 80 % de stéatose, mais les preuves de concept ont été posées dans de nombreux domaines. Parmi ces nombreuses avancées, le Dr C. Goumard fera dans son article un tour d’horizon des solutions pharmaceutiques déjà ­proposées pour dégraisser les foies sur machine.

Cette nouvelle technologie nous permet d’entrer dans une nouvelle ère de la transplantation, de s’adapter à la nouvelle typologie des greffons chaque jour plus ­marginaux, et de s’adapter à l’offre de soins et ses pénuries, de transformer le travail nocturne épuisant les équipes au travail diurne et en capacité. Il ne reste plus qu’à souhaiter que les investissements ne ­faiblissent pas dans le domaine et que de nouveaux métiers émergent.■


Liens d'intérêt

E. Epailly et O. Scatton déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet éditorial.

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