Le tabagisme et le diabète sucré sont 2 maladies chroniques bien connues des soignants quant à leurs conséquences néfastes sur la santé de nos patients. Cependant, si, comme nous l'avons fait dans le cadre du groupe de travail associant la Société francophone du diabète (SFD), la Société francophone de tabacologie (SFT) et la Fédération française des diabétiques (FFD)*, avec le soutien de Santé publique France, nous interrogeons les diabétologues ou les tabacologues sur leurs connaissances concernant le lien entre tabagisme et diabète et les conséquences du tabagisme sur la santé du patient diabétique, il apparaît qu'un long chemin reste à parcourir.
En effet, si le statut tabagique est recueilli par la majorité des diabétologues, moins nombreux sont ceux qui considèrent comme problématique l'exposition au tabagisme passif, et qui connaissent le lien entre tabagisme et insulinorésistance ou équilibre glycémique. De plus, face au diabétique fumeur, la majorité des diabétologues se sentent très majoritairement “incompétents” pour prendre en charge le sevrage tabagique et n'ont pas de personne formée au sevrage tabagique dans leur équipe hospitalière ou leur cabinet de ville.
Les tabacologues, eux, référent plus volontiers aux diabétologues les fumeurs diabétiques suivis, en particulier du fait de l'inquiétude suscitée par la prise de poids fréquente dans le contexte du sevrage chez les patients diabétiques. Pourtant, les données scientifiques actualisées montrent :
Même si les diabétologues connaissent bien les complications associées à la consommation de tabac, leur capacité à prendre en charge effectivement le sevrage tabagique est questionnée. Sont généralement invoqués le caractère chronophage de cette prise en charge et leur manque de compétences dans ce domaine. Quant aux tabacologues, ils considèrent très majoritairement que face à un diabétique fumeur en démarche de sevrage, un avis diabétologique s'impose.
Or, les données de l'étude ENTRED 3, publiées dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire du 8 novembre 2022 [5] à l'occasion de la Journée mondiale du diabète, montrent que la consommation de tabac, premier facteur de risque de mortalité et facteur majeur de complications de la maladie diabétique, concerne 13,4 % des diabétiques de type 2 et 25,3 % des diabétiques de type 1 en France, ce qui représente près de 400 000 personnes diabétiques fumeuses en France : une prise de conscience des soignants est donc nécessaire ! Les médecins généralistes sont bien sûr en première ligne dans ce contexte puisqu'ils suivent la majorité des diabétiques de type 2.
De plus, les recommandations européennes de 2019 à ce sujet sont très claires : “Le sevrage tabagique est obligatoire chez tout sujet prédiabétique ou diabétique (classe I, niveau A)” [6]. Toutefois, elles sont insuffisamment suivies en pratique médicale quotidienne.
Il est donc nécessaire que dans toute équipe diabétologique, on favorise le fait qu'au moins un de ses membres soit formé à l'aide au sevrage tabagique de façon à assurer une prise en charge optimale des patients fumeurs souffrant de diabète. Cela est rendu plus aisé par le fait que le traitement de substitution nicotinique est maintenant remboursé et qu'il peut être prescrit, non seulement par les médecins, mais également par les IDE, les sages-femmes, les chirurgiens-dentistes et les kinésithérapeutes, les personnes souffrant de diabète étant en outre le plus souvent couvertes à 100 % par l'Assurance maladie. Enfin, en cas de difficulté d'accès aux professionnels formés, le recours au 39 89 de Tabac info service peut permettre une prise en charge tabacologique personnalisée afin de proposer une solution au patient diabétique fumeur.
Les diabétologues doivent donc s'impliquer dans le sevrage tabagique comme ils l'ont fait, depuis plusieurs années, dans l'éducation thérapeutique, qui peut d'ailleurs aisément inclure l'aide au sevrage tabagique dans les programmes mis en œuvre.
Les tabacologues et/ou addictologues doivent communiquer avec les diabétologues et les médecins généralistes et ne pas s'inquiéter excessivement des risques de la prise de poids tant les bénéfices du sevrage tabagique sont supérieurs chez les patients diabétiques à la prise de poids souvent observée lors d'un sevrage.
Une prise de conscience est donc nécessaire !
À travers la mise au point du Dr F. Benzerouk (psychiatre-addictologue) et le focus pratique du Dr T. Bahougne (diabétologue), nous proposons d'apporter cet éclairage sur le thème tabac et diabète.
* Composition du groupe de travail Tabagisme et Diabète
Abdallah Al-Salameh, Thibault Bahougne, Farid Benzerouk, Ivan Berlin, Claude Chaumeil, Carole Clair, Vincent Durlach, Anne-Laurence Le Faou, Isabelle Gaudy, Jacques Mansourati, Laura Phirmis, Alexia Rouland, Daniel Thomas, Philippe Thuillier, Blandine Tramunt, Stéphanie Vannobel, Bruno Vergès.