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Tribune

Nicotine, fille de joie ou mère d'addiction

C'était à Tobago, dans les faubourgs des Antilles. Au milieu de quelques chamans illuminés, je menais une existence tranquille. Vint alors une bande d'aventuriers sauvages, conduits par un certain Christophe Colomb. Ils abusèrent de moi, m'enlevèrent et me conduisirent en Europe. J'eus alors une foule d'aventures dont une au Portugal, avec un particulier, ambassadeur de France, qui devint mon parrain. Il s'appelait Nicot et me fit appeler nicotine. Il m'introduisit à la cour et je devins dame de compagnie d'une régente nommée Catherine de Médicis avec le titre : “herbe à la reine”. Très à la mode, j'étais “people” et de mœurs assez légères, je fréquentais tout type de milieu : des riches, des pauvres, des nobles, des roturiers, etc. Partout ! J'allais en Russie, en Chine, etc. Des jaloux ont pourchassé et harcelé mes compagnons : à ceux qui me prisaient, on leur coupait le nez ; à ceux qui me fumaient on leur fendait les lèvres ; certains ont même subi la peine capitale ! Ceux qui fréquentaient les églises étaient excommuniés après une bulle du pape Urbain VIII jusqu'au jour où ce dernier devint mon acolyte et annula sa bulle ! J'ai laissé tellement d'empreintes sur les corps des hommes qu'in memoriam on a appelé “tabatière anatomique” l'endroit situé entre le long abducteur et le court extenseur du pouce où j'aimais me blottir. La plupart de ceux qui m'ont séduite me sont restés fidèles jusqu'à la mort : j'avais en effet le pouvoir à chaque embrassement de faire libérer dans l'encéphale de mon partenaire, compagnon et complice, une foule d'hormones liées au plaisir, en particulier la dopamine. On m'a accusée d'être toxique, malsaine et même addictive. Voici mon histoire.


Mon témoignageOui : moi, nicotine, j'ai été accusée de toxicité ! Même des organismes réputés sérieux précisent encore aujourd'hui que la dose mortelle chez l'homme a été estimée à 50/60 mg, certains ont été jusqu'à affirmer qu'à 30 mg je tue mieux que le cyanure ! Il a fallu qu'un savant autrichien, Bernd Mayer, publie en 2013 qu'il fallait plus de 500 mg par voie orale pour tuer un adulte : c'est lui qui m'a lavée de tout soupçon et définitivement réhabilitée.Les faux procès qui m'ont été intentés étaient le fruit de la calomnie. Mes détracteurs reprenaient en choeur l'air…

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