Éditorial

L'irresponsabilité pénale est-elle soluble dans le cannabis ?


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L'Assemblée nationale vient de voter (23 septembre 2021) le projet de loi “responsabilité pénale et sécurité intérieure”, relatif à l'irresponsabilité pénale. Un article du Code pénal prévoit, notamment, de condamner à 10 ans de prison une personne ayant consommé volontairement une substance psychoactive, drogue ou excès d'alcool, si elle avait “connaissance du fait que cette consommation est susceptible de la conduire à commettre des atteintes à la vie ou à l'intégrité d'autrui”, et si cette consommation a été à l'origine du trouble psychique au moment du meurtre ayant justifié la déclaration d'irresponsabilité pénale.

Ce vote fait suite au meurtre de Sarah Halimi, en avril 2017, qui a eu un retentissement important dans l'opinion publique. L'irresponsabilité pénale du meurtrier a été confirmée dans un arrêt de la Cour de cassation. Elle était fondée sur 7 expertises psychiatriques, qui ont conclu que le meurtrier présentait une bouffée délirante au moment des faits. Comme il consommait régulièrement du cannabis, considéré comme cause de la bouffée délirante, il s'en est suivi un tollé médiatique majeur qui a conduit le gouvernement à déposer le projet de loi qui vient d'être voté. L'émotion était liée à l'incompréhension que le meurtrier puisse échapper à une sanction pénale.

Agité comme un chiffon rouge, le fait que les troubles aient été attribués à la consommation de cannabis a exacerbé les clivages et les passions autour de cette substance.

Revenons sur l'historique du concept d'irresponsabilité des malades mentaux. Il existe depuis l'Antiquité ; on en trouve les premières traces en Mésopotamie dans le code babylonien d'Hammourabi (vers 1760 avant J.C.) et dans les écrits de Platon. Il y en a également dans la France du Moyen Âge et de l'Ancien Régime. Il apparaît explicitement dans le code Napoléon, en vigueur jusqu'à la fin du XXe siècle. Le concept d'irresponsabilité a évolué dans l'article 122-1 du Code pénal de 1992 avec la notion d'altération, qui entraîne une réduction de peine, et celle d'abolition totale du discernement, qui dispense le délinquant de toute sanction : “N'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.”

Or, ces dernières années, de plus en plus de malades mentaux ayant commis un crime sont jugés responsables avec, comme conséquence, l'incarcération d'un grand nombre d'entre eux. Finalement, la réforme de l'article 122-1 qui vient d'être votée accentue encore cette tendance. Plusieurs commentateurs ont d'ailleurs souligné que, dans ce type d'affaires, le Code pénal actuel était largement suffisant. En effet, la consommation de substances, notamment d'alcool, qui, certes peut favoriser les passages à l'acte chez les malades mentaux, n'est qu'un élément parmi de nombreux autres. La complexité de chaque cas ne peut être résumée et raccourcie par la consommation de substances.

S'il aboutit, ce projet de loi va limiter l'accès aux soins des patients concernés et compliquer la tâche, non seulement des juges et des experts psychiatres, mais aussi de tous les soignants en addictologie et en psychiatrie.



Liens d'intérêt

A. Dervaux déclare avoir des liens d’intérêts avec Indivior, Janssen, Lundbeck et Otsuka (honoraires pour des conférences), sans relation avec cet éditorial.

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