En septembre dernier, un étudiant en pharmacie est mort sur le lieu d'un week-end d'intégration en Belgique. Pourquoi là-bas ? Parce que les étudiants organisateurs avaient refusé de signer la charte de bonnes conduites de leur université du Nord de la France, limitant notamment la consommation d'alcool. Ce cas fait suite à d'autres décès d'étudiants lors d'alcoolisations excessives.
Comment en est-on arrivé là ?
Une culture alcoolophile est devenue aujourd'hui dominante parmi les étudiants. Elle n'existait pas à la fin du XXe siècle, où les étudiants pouvaient parfaitement ne pas boire. Actuellement, l'alcoolisation excessive est considérée comme naturelle, allant de soi, notamment lors de week-ends d'intégration. De fait, ceux qui ne s'y soumettent pas sont exclus du groupe. En outre, la pression de s'alcooliser le plus vite et le plus massivement possible est forte, y compris à l'aide de sondes nasales ou de tampons vaginaux imbibés d'alcool. Des “salles” de réanimation sauvages peuvent être organisées avec les moyens du bord pour les étudiants en coma éthylique.
Les conséquences peuvent être dramatiques : de plus en plus de jeunes présentent des troubles cognitifs et des anomalies de la substance blanche induits par le binge drinking, retrouvées dans plusieurs études. Le comble, c'est que les jeunes médecins ne perçoivent plus les alcoolisations excessives des patients comme pathologiques, notamment aux urgences, puisqu'elles sont perçues comme “normales”.
Lutter contre une culture alcoolophile : c'est possible et réalisable
Certaines universités françaises ont réfléchi sur la problématique et ont élaboré des chartes de bonnes conduites, mais celles-ci sont souvent contournées par les étudiants au nom d'une “culture” étudiante “traditionnelle”. Les organisateurs d'événements étudiants devraient pouvoir comprendre que leur responsabilité juridique puisse être engagée et recherchée en cas de dérapage.
Comprendre que la culture alcoolophile ne va pas de soi est maintenant une nécessité absolue. Les mentalités peuvent évoluer, la preuve : l'alcoolisation sur les lieux de travail est aujourd'hui perçue comme une anomalie, alors qu'elle était monnaie courante il y a 20 ans, avec ses bars clandestins et toutes les occasions bonnes pour consommer.
Il s'agit aussi de comprendre les raisons des alcoolisations excessives en milieu étudiant. Les jeunes sont aujourd'hui massivement sur les réseaux sociaux, beaucoup n'ont appris à ne communiquer que sur Internet et sont désemparés devant les relations réelles avec les autres, qui sont facilitées par l'action désinhibitrice de l'alcool. La prévention ne devrait pas seulement consister à informer les étudiants des effets délétères des alcoolisations excessives, mais aussi à les aider à développer leurs compétences affectives et sociales et à construire des lieux de convivialité, sans alcool ni tabac, autres que les bars qui fonctionnent à plein régime comme seuls lieux de sociabilité. C'est l'affaire de tous pour inverser la tendance.