La stérilisation des chiens et des chats, femelles et mâles confondus, est très répandue en médecine générale vétérinaire. Elle est systématiquement proposée la première année de vie de nos patients, souvent encore en croissance. Si ses nombreux avantages ne font aucun doute, un effet indésirable majeur est à prendre en compte : la prise de poids.
Doit-on stériliser les races prédisposées au surpoids ?
Le surpoids et l'obésité touchent en moyenne 30 % des chiens et des chats aujourd'hui et diminuent la qualité et l'espérance de vie.
Certaines races sont génétiquement prédisposées au surpoids (tableau I,figure 1) qui peut survenir dès la période de la croissance et être aggravé par la surconsommation d'aliments non adaptés ou un manque d'activité physique. Du surpoids à l'obésité, il n'y a qu'un pas. Plus l'obésité se met en place tôt, moins elle est réversible. Au moment de la décision de la stérilisation, une note d'état corporel (NEC) supérieure à 5/9 doit être une contre-indication immédiate et un programme nutritionnel adapté doit être mis en place.
Importance de la visite préopératoire
L'évaluation nutritionnelle
La visite préopératoire doit être systématique pour chacun de vos patients. C'est l'occasion de passer en revue les conseils préopératoires, d'identifier les motivations chirurgicales, de réaliser un examen clinique complet à la recherche de contre-indications chirurgicales ou anesthésiques. L'évaluation nutritionnelle fait partie intégrante de cet examen : elle comprend la pesée (figure 2), insuffisante à elle seule, qui doit être complétée par l'évaluation de la masse grasse (NEC) et de la masse maigre (figures 3 et 4). Afin de diagnostiquer un surpoids, vous devez partir à la recherche d'amas graisseux sur la zone thoracique, l'absence d'une taille et d'un creux marqué. Une NEC normale est de 5/9. Chaque point supplémentaire correspond à 10 % de masse graisseuse supplémentaire. Le surpoids se définit par une note de 6/9 et 7/9 ; au-delà de 7/9, on parle d'obésité.
Sensibiliser à la prévention de la prise de poids
Vous pouvez et devez impliquer le propriétaire dans cette évaluation clinique simple afin de lui faire prendre conscience d'un éventuel surpoids ou au contraire d'une NEC normale que son animal devra maintenir à l'avenir. Contrairement à ce que l'on pense, les propriétaires sont en général très objectifs sur l'état d'embonpoint de leur animal. La prise de poids est généralement rapide après la stérilisation en l'absence de prise en charge nutritionnelle ; 5 à 10 % de surpoids en l'espace de 15 jours. Il est donc important de prévenir les propriétaires avant même que leur compagnon présente un surpoids en établissant éventuellement une courbe de poids hypothétique de la prise de poids (figure 5) afin d'alerter sur les poids considérés comme surpoids et obésité. Quel propriétaire peut imaginer que son chat de 3,0 kg sera considéré comme obèse à 3,6 kg ?
Quelles sont les conséquences métaboliques de la stérilisation ?
À la suite de la stérilisation, le métabolisme change. Le besoin énergétique diminue de 20 % tandis que l'appétit augmente : l'hyperphagie est très rapidement notée par le propriétaire. Cette hyperphagie est majoritairement responsable de la prise de poids, plus que la diminution de la dépense énergétique. Si aucune prise en charge nutritionnelle n'est mise en place, la prise de poids est inéluctable. Une étude a montré que cette prise de poids pouvait être diminuée si la stérilisation est pratiquée précocement en période de croissance et associée à une restriction énergétique (figures 6 et 7).
Les besoins nutritionnels post-stérilisation
Le calcul des besoins nutritionnels se détermine à partir du poids idéal. Comment l'évaluer ? Vous pouvez le déterminer de 3 façons différentes :
- en utilisant le poids des parents. En effet, dans certaines races, l'amplitude des poids est très variable comme chez le Malinois où les poids varient de 20 à 35 kg ou chez le Main Coon où ils varient entre 5 et 12 kg ;
- pour des races avec des gabarits plus homogènes, on peut utiliser les poids de référence des standards de race ;
- pour tous les animaux croisés, on utilise l'échelle de score corporel pour déterminer le poids idéal (figure 8).
Une fois ce poids idéal déterminé, le calcul du besoin énergétique (BE) se fait selon des formules développées dans les figures 8 et 9 et les tableaux II et III. Soyez vigilant, ce sont des formules mathématiques qui sont utilisées pour évaluer le BE. Par définition, cette évaluation est théorique et ne représente pas le métabolisme exact de chaque individu. Ce besoin doit donc être réévalué dans le temps et adapté en fonction des résultats du suivi de l'évaluation nutritionnelle. On applique donc un coefficient de 0,8 au BE de chaque animal, mais il ne faut pas oublier de tenir compte des autres coefficients que sont la race, l'activité et, bien sûr, les besoins de la croissance s'il s'agit d'un chien de grande race stérilisé à 6 mois.
La prescription alimentaire
La prescription nutritionnelle au moment de la stérilisation est une obligation pour le praticien. C'est un acte dont on connaît le principal effet indésirable à long terme : la prise de poids. On a trop souvent conseillé de diminuer la quantité de l'aliment. Idée judicieuse pour réduire la quantité d'énergie ingérée, mais qu'en est-il de la satiété ? Les logiciels de rationnement indiquent généralement une dose de 45 à 50 g pour un chat adulte stérilisé : est-ce suffisamment satiétogène ? Si vous demandez au propriétaire de mesurer la satiété en libre-service, la réponse est proche de 80 à 100 g d'aliment sec par jour.
Quand on doit diminuer la quantité d'un aliment pour réduire la quantité d'énergie ingérée, c'est qu'il est nécessaire de changer d'aliment. Mais quel aliment doit-on prescrire ? Vous devez tenir compte des habitudes alimentaires de votre patient : alimentation mixte chez le chat, aliment ménager ou BARF chez le chien, il n'est pas question d'imposer un aliment sans le consentement du propriétaire, sinon l'observance ne sera pas respectée.
Votre prescription se fera pour un aliment suffisamment hypocalorique (c'est-à-dire riche en protéines et en fibres et pauvre en lipides et en glucides) pour en donner une quantité proche de celle distribuée avant la stérilisation, en particulier chez le chat et chez les chiens dont la satiété est difficile à obtenir. Cet aliment doit, bien évidemment, couvrir les autres besoins nutritionnels.
La quantité dépend donc du besoin énergétique d'entretien précédemment calculé. Cette quantité devra être respectée et donc mesurée précisément.
Quand faire sa prescription nutritionnelle ?
Lequel d'entre vous n'a pas entendu au moment d'évoquer le changement d'aliment : “Docteur j'ai déjà acheté un aliment ‘stérilisé' ”? Preuve que certains propriétaires sont déjà sensibilisés à cette prise de poids post-stérilisation, qu'ils souhaitent agir, avant même vos conseils. Mais que signifie un aliment “stérilisé” ? Rien de bien précis, c'est une allégation marketing. Sachez expliquer au propriétaire les besoins spécifiques de son animal et les caractéristiques nutritionnelles de l'aliment prescrit à la suite de la stérilisation. Nul besoin de citer les mêmes arguments marketing que la concurrence. Valorisez votre prescription personnalisée. Il est donc important de parler de ces changements avant la chirurgie : dès les premières visites de médecine préventive ou à l'occasion de la visite préanesthésique.
Le suivi est indispensable en nutrition. Vous avez précédemment sensibilisé le propriétaire sur la prise de poids, afin de veiller au respect de la prescription, vous devez proposer un suivi sur 6 mois avec pesée simple et évaluation nutritionnelle pour rectifier votre prescription si besoin.
Les particularités du comportement alimentaire chez le chat
À chaque changement d'aliment, il est important de veiller à une transition alimentaire suffisamment longue pour que l'aliment soit accepté et l'observance de cette prescription respectée. Le chat, ce prédateur diurne ou nocturne, fait de nombreux repas (entre 10 et 20) par jour. Malheureusement, pour éviter le comportement hyperphagique observé à la suite de la stérilisation, on a souvent conseillé de donner l'aliment sous forme de repas. Cette modification de la distribution de l'aliment engendre des troubles du comportement et du stress chez le chat. Il est donc indispensable de laisser cet aliment en libre-service. Bien entendu, la tâche doit être difficile et on peut lui proposer l'aliment dans différents jeux ou gamelles (figure 10).
Comment procéder avec un multipossesseur ? Très souvent, il n'y a pas un, mais des chats dans une habitation. Problématique majorée dans le cas d'un milieu confiné sans accès à l'extérieur. Assez souvent, les chats n'ont pas le même âge et ils ont donc des besoins nutritionnels différents. Il est donc plus difficile de proposer à chacun du libre-service. Il est nécessaire, dans ce cas, de proposer une solution tenant compte des possibilités pratiques et des impératifs nutritionnels de chacun des chats.
On ne rappellera jamais assez l'intérêt de la binutrition : augmentation de l'ingéré hydrique, augmentation du volume de la ration, composition hydrique plus proche de celle d'une proie. Après la stérilisation, l'augmentation de la teneur en humidité alimentaire entraîne une réduction de l'apport énergétique et une augmentation de l'activité, très intéressante pour prévenir un surpoids. ●
POINTS CLÉS
- La stérilisation est un facteur prédisposant au surpoids chez le chien comme chez le chat, mâle et femelle.
- La prévention dès la sortie d'hospitalisation est la clé.
- La prescription d'un aliment hypocalorique et volumique permet de gérer l'hyperphagie consécutive à la stérilisation et à la diminution des besoins énergétiques.
- La prise en charge du comportement alimentaire du chat est un élément à ne pas négliger.
Référence de l'article : Méd Chir Anim – Anim Cie 2022;1:50-5.