Avoir un enfant c’est écrire une histoire. Mais l’enfant lui-même débute une nouvelle histoire, un arbre généalogique qui commence par lui. Il n’y a pas de conte de fée sans enfant, mais parfois l’histoire de l’enfant n’est pas un conte de fée. C’est là qu’intervient le pédiatre, à qui l’on présente des indices, des symptômes, des signes parfois cabalistiques qu’on lui demande de déchiffrer. On lui demande aussi d’être un oracle, bon si possible, accompagnant si impossible. On appelle ça un métier, parce qu’en faisant ça on gagne sa vie, mais c’est bien davantage un destin, une vocation, une passion, un art.
C’est ce que fait Simone Gerber. Dans son livre, sous-titré « récits », elle raconte des vies d’enfants souffrants ou malades. Elle ne fait pas que raconter : elle commente, elle analyse, elle dénoue, tout cela de manière très vivante ; elle théorise comme il faut le faire à partir de la pratique. Elle nous apprend beaucoup et on sort de la lecture de son livre plus intelligent et plus réceptif. Plus intelligent, parce qu’elle nous démontre l’importance de l’ouverture du métier de pédiatre sur toutes les dimensions du monde de l’enfant, depuis son histoire familiale jusqu’aux mythes, aux religions, aux ancêtres, à travers ses patients de toutes origines ethniques, géographiques, sociales. Plus réceptif, car on ne peut comprendre un enfant que si on le suit trente ans ou plus : dans nombre de ses récits, on sait ce que le bébé est devenu à l’âge adulte. Cette vision nous dégage de l’instant, de la précipitation, du désir de faire disparaître les symptômes, ce que réclament certaines familles.