Malo est une application téléchargeable en ligne depuis juillet 2021. Centrée sur les enfants, elle offre la possibilité de repérer très tôt – dès leur petite enfance – les indices d'un trouble possible du neurodéveloppement, grâce à des questionnaires remplis par les parents. Détecter tôt d'éventuelles pathologies est la clé qui permet aux enfants de bénéficier d'une prise en charge précoce, à même d'améliorer le pronostic de ces pathologies neurodéveloppementales.
Le premier objectif de Malo est d'apporter aux parents un éclairage sur ce qu'ils observent chez leur enfant, les aider à vérifier l'absence d'anomalies (ou à tout le moins d'écarts par rapport à la norme) dans le développement de l'enfant, mais aussi les conforter dans leur observation le cas échéant, afin de les orienter vers une consultation spécialisée.
Une surveillance attentive du développement
En préambule, il est nécessaire d'insister sur le fait que Malo n'a pas vocation à remplacer une consultation médicale, et encore moins un suivi sur le long terme. Il s'agit plutôt d'un outil de repérage, dont l'objectif est précisément d'orienter l'enfant vers la consultation.
De ce fait, quelle que soit la nature des alertes émanant des questionnaires, aucun diagnostic n'est jamais porté. Le conseil donné est d'en référer au médecin traitant ou au pédiatre de l'enfant, dans un délai plus ou moins bref selon la situation, avec un rapport téléchargeable en PDF à transmettre aux professionnels de santé.
Malo est un outil de santé numérique et, nous le savons tous, ces outils sont appelés à se développer intensivement dans les années à venir. Il est désormais impensable de croire que nous pourrons nous en passer : cela reviendrait à remplacer nos GPS par une carte routière ou un guide des arrondissements…
Loin de prétendre remplacer le médecin ou le pédiatre traitant, Malo constitue avant tout un outil d'aide au diagnostic de pathologies encore insuffisamment dépistées, au service d'un meilleur repérage des enfants nécessitant un suivi.
Qu'il s'agisse de troubles du spectre de l'autisme (pour lesquels Malo propose des questionnaires dès 6 mois) ou des troubles « dys » (dont le diagnostic s'établit entre 18 mois et 6-7 ans), Malo vient en renfort des parents, pour lesquels, bien souvent, le constat est que « quelque chose ne va pas ». Le parti pris est celui de se fier au point de vue parental, qui sont les meilleurs observateurs de leurs enfants au quotidien.
Tous les travaux de Malo pour l'édification du programme de questionnaires, les articles de fond et les conseils apportés sont le fait d'une collaboration étroite avec des professionnels de la petite enfance, avant tout des médecins, pédiatres et pédopsychiatres, mais aussi des sages-femmes, des psychologues d'enfants, des puéricultrices, et la Fédération française des dys (FFDys), avec laquelle des échanges très fructueux ont été menés pour mettre au point des questionnaires pertinents.
Dès les premiers jours de vie du bébé, Malo va soumettre aux parents des questionnaires « généralistes » dans l'objectif de leur permettre d'établir une sorte de checklist des items de la santé de leur enfant : alimentation, sommeil, éveil, motricité. Les réponses attendues sont bien sûr celles qui se rapportent à la moyenne des enfants : temps de sommeil, quantités ingérées, évolution de la motricité du bébé, etc.
Les questionnaires sont à nouveau proposés dans les mois qui suivent – tous les mois jusqu'à 9 mois, puis tous les 2 mois à partir de 1 an, puis tous les trimestres à partir des 3 ans de l'enfant. Bien entendu, les questionnaires s'enrichissent progressivement, au fur et à mesure que l'enfant grandit et étoffe ses comportements, ses interactions, diversifie sa nutrition, raccourcit son temps de sommeil, etc. Tous ces items sont interrogés à chaque séquence de questions.
Si une alerte apparaît dans un domaine, la même question sera à nouveau posée le mois suivant afin de confirmer la pertinence de cette alerte. La première fois, le parent n'en est pas informé – rien ne sert d'inquiéter excessivement car, généralement, les choses rentrent dans l'ordre –, mais il le sera dès lors que l'alerte se répète, a fortiori si une autre alerte se déclenche dans le même domaine.
Un deuxième questionnaire est alors proposé au parent, appelé questionnaire « focus », parce qu'il propose d'autres items dans le même champ de pathologie. Si ce focus émet encore des alertes, un questionnaire dit « deep » est soumis au parent, aboutissant à une série de conseils pour orienter l'enfant vers le professionnel le mieux adapté. À ce jour, Malo dispose de près de 80 000 questionnaires complétés in extenso.
Prenons l'exemple d'un trouble du spectre de l'autisme. Les parents rapportent que leur enfant, âgé de 6 mois, ne sourit pas, qu'il reste parfois plusieurs heures dans son lit sans pleurer, et qu'il fuit le regard lors des interactions. À ce stade, les parents sont souvent légitimement inquiets, mais ils ne savent pas forcément comment formuler l'étrangeté qu'ils ressentent, et une grande anxiété peut alors apparaître… ce qui va les inciter à un nomadisme médical d'autant plus dommageable qu'ils vont aller frapper à des portes pas toujours adaptées à leur situation – et perdre beaucoup de temps.
L'étude publiée dans le Journal of Medical Internet Research [1] démontre que, chez les enfants suivis par l'application, le dépistage d'un trouble du spectre autistique est détectable à un âge médian de 11 mois (depuis cette première étude, les questionnaires ont été enrichis d'items proposés dès l'âge de 6 mois) ; dans la population générale, cette pathologie est rarement confirmée avant 4 ans.
Les questionnaires Malo vont tout d'abord conforter les parents dans leur inquiétude mais, parallèlement, cette inquiétude va s'accompagner d'une sorte de réconfort : ils se sentent soulagés d'avoir eux-mêmes détecté les anomalies, d'être « tombés juste », et vont désormais tout mettre en œuvre pour que leur enfant bénéficie du meilleur suivi possible. L'objectif de Malo se trouve là : rassurer les parents sur leurs compétences en leur montrant qu'ils sont les meilleurs observateurs, que la cause de leur inquiétude est bien fondée, puis, très tôt, les orienter pour un suivi précoce.
Ce travail de sémiologie a été volontairement centré sur les troubles du neurodéveloppement, tout d'abord parce qu'ils sont habituellement repérés beaucoup plus tard dans l'enfance, et surtout parce qu'une pathologie reconnue évite à l'enfant de se trouver en butte à l'incompréhension de ses parents, avec les risques d'erreurs commises quant aux attitudes à adopter. C'est également vrai pour les enfants porteurs d'un trouble de déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) : ces enfants, qui ne tiennent pas en place, créent de l'agitation autour d'eux, ont parfois des conduites à risque, agressent leurs camarades et vont se trouver souvent punis par l'enseignant, isolés de la classe – alors qu'il y aurait des mesures à prendre qui seraient plus adaptées.
Nous avons donc effectué le même travail pour les troubles de la lignée des dys (dysphasie, dyspraxie, dyslexie, etc.).
On estime aujourd'hui que 10 % des enfants vont être touchés par une ou plusieurs dys (certains enfants ont l'infortune d'être multidys).
Ces troubles peuvent bénéficier d'un repérage précoce qui éviterait à l'enfant de se trouver confronté à l'échec scolaire. Certes, les enseignants ont progressé dans ce domaine : ils ressentent plus ou moins que l'enfant pose un problème particulier, et, même s'ils ne sont pas en mesure de catégoriser le trouble, ils vont suggérer aux parents de consulter. Cependant, trop souvent encore, le trouble n'est pas identifié et l'enfant est mis en échec dès le début de sa scolarité, butant sur d'innombrables difficultés qui vont rendre aléatoires ses acquisitions scolaires et cognitives.
Désormais, on sait bien mieux identifier le trouble en cause. Il existe un certain nombre d'erreurs éducationnelles (et parfois même des violences liées à une totale incompréhension des comportements de l'enfant) qui peuvent être évitées et une rééducation entreprise tôt avec des professionnels formés spécifiquement permet d'améliorer le pronostic. C'est vrai notamment pour les troubles du spectre de l'autisme : on sait de mieux en mieux offrir aux très jeunes enfants des méthodes d'apprentissage éprouvées et qui les font progresser. Mais c'est aussi très bien documenté chez les professionnels formés au programme Makaton pour la dysphasie, pour toutes les méthodes de rééducation psychomotrice ou orthophonique pour les troubles dys en général.
Selon les résultats de l'étude actuellement en cours de publication dans le Journal of Medical Internet Research [1], parmi 4 242 enfants approchés via 5 309 questionnaires, 14,5 % présentent au moins une anomalie nécessitant une consultation. L'âge médian de détection des troubles du spectre de l'autisme, de la vision et de l'audition, de la socialisation, du langage et de la motricité a été respectivement de 11, 9, 17, 22 et 4 mois. La sensibilité des alertes déclenchées orientant vers un possible trouble du neurodéveloppement confirmé ensuite par un médecin est de 100 %, et la spécificité est de 73,5 %.
Les alertes générées par les algorithmes et validées en vie réelle sont donc extrêmement sensibles et ont une bonne spécificité.
Dans un proche avenir, une seconde étude sera effectuée, sur un nombre bien plus élevé de questionnaires et avec une évolution des algorithmes. À suivre, donc, sans doute dès cet automne.
Malo constitue donc un outil de santé prédictive pour les enfants dès leur plus jeune âge.
Malo accompagne les parents et aidera également le praticien dans sa pratique clinique : vous allez sûrement mieux cerner des troubles qui sont encore assez mal circonscrits, et vous aurez envie de les adresser pour une évaluation surspécialisée. Malheureusement, c'est là que les problèmes commencent : le « système » (et, en particulier, le nombre très insuffisant de services surspécialisés, de professionnels formés, par exemple les orthophonistes ou les ergothérapeutes) n'est pas préparé à accueillir davantage d'enfants. La prise en charge des enfants diagnostiqués est déjà sous tension – et nous allons contribuer à la surcharger encore davantage… Voilà qui devrait faire réfléchir la puissance publique…□