Plusieurs confrères signalent une démarche commerciale insistante pour promouvoir des thermomètres « connectés » de mesure continue de la température, l'un des arguments de vente étant la prévention et/ou la gestion des convulsions fébriles... Pour contrer cet argumentaire agressif et fallacieux, François Corrard nous fait part d'une lettre ouverte validée par l'Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA) visant à mettre en garde les collègues qui pourraient être démarchés par cette société.
« Vous sollicitez des collègues pédiatres depuis plusieurs semaines pour promouvoir votre pastille thermomètre connectée, appliquée dans l'aisselle des enfants. Vous suggérez que la mesure en continu pourrait “gérer le risque de convulsions des enfants”. Cela supposerait que les parents, équipant régulièrement leurs enfants, pourraient avoir chez eux le diazépam que vous mentionnez, délivré sur ordonnance de leur médecin. Vous surfez sur la peur effective de certains parents. Vous la stigmatisez et la renforcez par des allégations fausses et l'omission de données rassurantes. L'importance de la fièvre n'est pas synonyme de convulsion. La seule étude expérimentale datant de 1956 sur crise et vitesse de montée de fièvre a montré que les crises survenaient à vitesse ascendante de la fièvre plus lente que celle d'un groupe témoin [1]. Par ailleurs, 97 % des enfants ne feront jamais de convulsion fébrile. La grande majorité des “convulsions fébriles” cesse spontanément dans les 5 premières minutes sans intervention thérapeutique. Enfin, leur pronostic, dans l'immense majorité, est excellent, identique à celui des enfants n'ayant pas manifesté de tels incidents.
Dans ce cadre, votre dispositif est contre-productif, inutile, pernicieux et terriblement anxiogène. De plus, vous ne méconnaissez pas les recommandations de nombreux pays sur la fièvre de l'enfant, que l'objectif n'est plus de la faire baisser, mais d'intervenir s'il existe un inconfort, ce que ne mesure pas votre dispositif. Votre démarchage commercial agressif ne respecte en rien l'intérêt des parents.
Dommage que vous n'ayez pas approfondi ce sujet avant l'élaboration de votre produit. »
Solidaire de ce rappel de bon sens, Christophe Philippe partage cette citation d'Antonin Artaud dans Van Gogh le suicidé de la société : « Paysages de convulsions fortes, de traumatismes forcenés, comme d'un corps que la fièvre travaille pour l'amener à l'exacte santé. [...]. Méfiez-vous des beaux paysages de Van Gogh tourbillonnants et pacifiques, convulsés et pacifiés. C'est la santé entre 2 reprises de la fièvre chaude qui va passer. C'est la fièvre entre 2 reprises d'une insurrection de bonne santé. » Une citation magnifique de 1947 qui mêle convulsion et fièvre, une association temporelle où les tentatives d'y introduire un lien de causalité s'effilochent de plus en plus, commente F. Corrard. ■