Pour célébrer la semaine européenne de la vaccination, qui s'est déroulée du 25 avril au 1er mai, François Vié Le Sage propose de partager sur le Forum des questions posées par des confrères à Infovac.
Vaccination HPV
La première question concerne la vaccination contre les papillomavirus humains (HPV). Une jeune fille née en 1997 a reçu 2 doses du vaccin Gardasil, la première le 10 novembre 2012, la seconde le 23 mars 2013. Elle n'a jamais reçu de 3e dose : faut-il la lui prescrire alors qu'elle a aujourd'hui 24 ans ?
François Vié Le Sage rappelle que, sur le strict plan des recommandations [1], cette jeune femme, qui a eu sa première dose peu après l'âge de 15 ans révolus et sa deuxième dose moins de 6 mois plus tard, serait éligible à double titre pour un rappel, mais… elle a plus de 19 ans. Par ailleurs, sa vaccination ayant été faite avant 2015 et la mise à disposition de Gardasil 9, elle a reçu un Gardasil 4 valent. Or, si l'on compare une vaccination complète avec un vaccin HPV 4 génotypes (Gardasil) à une vaccination complète avec Gardasil 9, la protection contre les cancers passe de 70 à 90 %. Un rappel par Gardasil 9 serait donc souhaitable pour cette jeune femme, mais le vaccin ne sera pas remboursé (115 ) car elle a dépassé l'âge limite du rattrapage (19 ans). Selon les caisses primaires d'assurance maladie, il existe néanmoins une tolérance plus ou moins grande…
À noter que les garçons HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes) peuvent bénéficier d'un rattrapage jusqu'à l'âge de 26 ans [2] et que l'AMM va jusqu'à 45 ans. Il semble, dès lors, parfaitement anormal que le rattrapage fasse une distinction entre genres, même si l'on comprend bien la motivation en termes de risque, précise François Vié Le Sage.
Compte tenu du coût des condylomes, des lésions précancéreuses et, bien sûr, d'un cancer du col qui surviendrait dans les 10 à 20 ans, le rappel par Gardasil 9 apparaît justifié sur un plan médical et financier, même si l'on peut considérer que ses 2 doses de Gardasil 4 assurent à cette jeune femme une certaine protection contre les génotypes 16 et 18, qui sont les plus oncogènes.
Cette question pratique permet en outre à notre confère d'Infovac de faire le point sur la recommandation récente de l'OMS en une seule dose de Gardasil 9 [3], tout à fait justifiée pour les pays à faibles revenus qui sont, à juste titre, la principale préoccupation de l'organisation internationale. 90 % des lésions dues aux HPV concernent en effet ces pays, alors que la couverture vaccinale y est encore très faible, que le dépistage est pratiquement inexistant et que l'accès aux structures de santé est souvent très difficile. Les 350 000 décès par an sur la planète justifient tout à fait des mesures d'urgence, note F. Vié Le Sage. La seule politique raisonnable est de proposer le plus vite possible une dose au maximum de femmes dans un maximum de pays, souligne-t-il.
La situation est différente dans nos pays développés, ayant un bon accès aux soins, mais dans lesquels le dépistage a des limites et n'est qu'une prévention secondaire. L'objectif est de limiter le nombre de lésions HPV dépendantes, voire de tenter une quasi-éradication en vaccinant filles et garçons dès l'âge de 11 ans en 2 doses à 6 mois d'intervalle. L'Australie est en passe d'y parvenir. La deuxième dose a un vrai effet booster, même si la première est déjà très efficace. Il est probable aussi que la durée de protection sera plus longue.
Qu'en est-il de la couverture vaccinale en France ? Encore bien loin de celle obtenue en Australie, elle n'est que de 35 % environ pour un schéma complet, et de 41 % pour une dose chez les jeunes filles [4]. Celle des garçons progresse, mais reste faible. Les efforts doivent donc être poursuivis pour améliorer la protection contre les HPV chez les 2 sexes, d'autant que la fréquence des cancers de la gorge HPV dépendants augmente et n'est pas « genrée » (ils sont déjà devenus plus fréquents que ceux du col de l'utérus aux États-Unis), que l'on déplore encore annuellement près de 1 000 décès dus au cancer de l'utérus, sans parler du poids des conisations et autres traitements. Ce sont les territoires, notamment ultramarins, où la prévalence HPV est la plus forte, qui sont les moins bien vaccinés, observe F. Vié Le Sage, essentiellement en raison de la défiance de la population elle-même. ■
Vaccination contre le méningocoque B
La deuxième question concerne les indications de la vaccination contre le méningocoque B. Elle est posée à Infovac par un confrère, qui, proposant systématiquement le vaccin Bexsero® pour les petits nourrissons à partir de 2 mois depuis janvier 2022, se trouve confronté à l'interrogation des parents sur la vaccination des frères et sœurs plus âgés. Jusqu'à quel âge est-il licite de proposer cette vaccination, a-t-elle un intérêt après l'âge de 2 ans ou est-il préférable d'attendre l'adolescence ?
L'épidémiologie des infections invasives à méningocoque (IIM) montre que le risque maximal est avant l'âge de 3 ans, et surtout avant 1 an, avec un pic entre l'âge de 4 et 6 mois, rappelle François Vié Le Sage. D'où l'intérêt de vacciner surtout l'enfant de moins de 2 ans, de préférence dès l'âge de 2-3 mois. Les autres pics se situent entre 15 et 25 ans, puis après 60 ans. S'il n'y a jamais de risque zéro, le rapport prix/bénéfice est donc plus discutable après 2 ans, quel que soit l'âge, d'autant que ce vaccin n'a pas d'action sur le portage et que son intérêt collectif est donc limité. De plus, son efficacité ne dépasse guère 4 ans, ce qui permet de couvrir individuellement la période la plus à risque mais incite à la discussion au-delà.
Ces données épidémiologiques expliquent les recommandations actuelles en population générale : « La vaccination contre les IIM de sérogroupe B par Bexsero® est recommandée chez l'ensemble des nourrissons selon le schéma suivant : première dose à l'âge de 3 mois, deuxième dose à 5 mois et dose de rappel à 12 mois (M3, M5, M12) [1]. La vaccination peut toutefois être initiée dès l'âge de 2 mois et avant l'âge de 2 ans. Deux doses de primovaccination doivent être administrées à au moins 2 mois d'intervalle et 1 dose de rappel est nécessaire. » Il n'est pas prévu de rattrapage chez les enfants plus âgés. L'adolescence est l'autre période où la vaccination contre les infections invasives à méningocoque B peut être proposée : vers 15 ans, ou en tout cas avant l'entrée dans l'enseignement supérieur, en ayant conscience de la durée trop courte de protection pour la période 15-25 ans, précise F. Vié Le Sage. Dans cette tranche d'âge, le vaccin contre les IIM ACWY paraît d'ailleurs le plus intéressant, même si, bien entendu, les 2 peuvent être réalisés. En effet, chez l'adolescent et l'adulte jeune, le nombre d'infections invasives dues aux sérogroupes C, W et Y est au moins égal à celui des infections invasives dues au sérogroupe B. Le vaccin ACWY présente en outre l'avantage d'une protection prolongée, pendant au moins 10 ans, et assure une excellente efficacité sur le portage. ■