Un article récent paru dans les Archives de pédiatrie [1] relate le cas d'un enfant de vingt-six mois qui a eu une épiglottite aiguë. Haemophilus influenzae (Hi) non sécréteur de bêtalactamase a été retrouvé dans les hémocultures. Cet enfant, du fait d'un refus parental d'une vaccination plus complète, n'avait jamais été vacciné contre Haemophilus influenzae et n'avait reçu que deux doses du vaccin contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la coqueluche, à quinze et vingt et un mois.
Cela fait frémir. L'épiglottite est en effet une infection très particulière, due à une infection invasive à Haemophilus influenzae capsulé type b (Hib). Elle peut être observée chez l'adulte mais survient essentiellement chez les jeunes enfants. Elle progresse très vite : une fièvre très élevée, puis une gêne respiratoire qui s'accentue rapidement et conduit à la mort par asphyxie peuvent survenir en une ou deux heures chez un enfant qui était en parfaite santé.
Cet enfant a eu énormément de chance de développer son épiglottite dans un pays et dans une localité où il a pu être pris en charge par le Samu puis traité efficacement à l'hôpital où il a été transporté. Il était temps du reste qu'il y arrive, car il a fait un arrêt respiratoire avec bradycardie extrême aux urgences, ce qui est une manière édulcorée de dire qu'il était pré-mortem. A force d'atténuer les termes dans la narration de ce type de situation, on en vient à banaliser et à penser que tout finit par s'arranger. C'est une grave erreur : cet enfant aurait pu garder des séquelles neurologiques graves d'une hypoxie prolongée. L'intubation d'un enfant qui a une épiglottite n'est pas du tout évidente, et il faut féliciter les médecins qui ont réussi à l'intuber.
Haemophilus influenzae se transmet par voie aérienne. Il colonise souvent la muqueuse des voies aériennes supérieures d'enfants asymptomatiques. La vaccination contre Hib permet de développer des anticorps actifs sur les Hi capsulés, qui survivent dans le sang et peuvent déclencher, à partir des Hi présents dans le cavum par exemple, des infections invasives telles qu'épiglottites, méningites, septicémies, pneumonies. Cette vaccination est très efficace pour la prévention de ces infections graves, comme en témoigne la chute du taux d'incidence des infections invasives à Hib après la mise en place de la vaccination anti-Hib en France en 1992. Les Hi non capsulés, qui sont responsables d'environ un tiers des otites moyennes aiguës, ne sont pas touchés par le vaccin, mais l'OMA est une infection bénigne, facilement curable.
La loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017, en vigueur depuis le 1er janvier 2018, rend cette vaccination obligatoire avant l'âge de dix-huit mois. Elle est exigible pour l'entrée ou le maintien en collectivité (crèche, école, garderie, centre de loisirs…). La vaccination utilise un vaccin combiné incluant les antigènes diphtérique, tétanique, poliomyélitiques, coquelucheux acellulaire avec ou sans la valence hépatite B. La primovaccination des nourrissons comporte deux injections, aux âges de deux et quatre mois, suivies d'un rappel à l'âge de onze mois [2]. L'intervalle entre les deux premières doses ne doit jamais être inférieur à deux mois, et l'intervalle entre la deuxième et la troisième dose ne doit jamais être inférieur à six mois. Un rattrapage vaccinal peut être effectué jusqu'à l'âge de cinq ans (enfants migrants par exemple).