A l'heure où la France est « épinglée » par la London School comme le pays du monde où il y a le plus d'hésitations vis-à-vis de la sécurité vaccinale, à l'heure où pourtant l'épidémiologie n'a jamais apporté autant d'éléments en faveur de l'efficacité des vaccins comme de leur tolérance, notre ministre Agnès Buzyn innove en matière de politique vaccinale : pour la première fois depuis très longtemps, un gouvernement prend le taureau par les cornes et agit. Certes, on peut regretter que cela soit sous la forme d'une obligation. Qui ne préfère pas expliquer et convaincre plutôt qu'imposer et contraindre ? Malheureusement, tous les médecins vaccinateurs se trouvent de plus en plus confrontés aux hésitations et questions de parents déstabilisés par ce qu'ils lisent et entendent dans les réseaux et les médias. Les leaders médiatisés sont souvent « anti-obligation » ; parfois, ce sont des médecins, d'autres fois non. Telle actrice surfant sur un bon mot douteux (« crime contre l'immunité ») a pu prendre un temps le pas sur l'Académie de médecine et cinquante sociétés médicales… Dans quelle société vit-on ?
La concertation citoyenne a pourtant duré un an, réunissant autour d'Alain Fischer, un jury citoyen, un jury professionnel, un comité indépendant ; elle a auditionné des experts de tous bords, analysé les études. Il n'y a pas eu unanimité bien sûr, mais la recommandation d'étendre les obligations a été signée par les deux jurys au bout du compte. Que pouvait-on faire d'autre ? L'objectif n'est pas de contraindre, de punir, mais de montrer toute la confiance que les autorités ont dans la vaccination, de rassurer, d'évacuer le doute. Qu'on soit d'accord avec cette décision ou pas, la responsabilité de tous les professionnels de santé est maintenant de faire en sorte que cette politique réussisse. Elle présente des risques, c'est à nous de les combattre. Nous ne pouvons rester dans la critique sans cesse négative, car elle entretient le doute. Nous devons trouver des synergies positives qui inversent la tendance. C'est aussi la responsabilité du gouvernement de participer à ces synergies, d'accompagner cette mesure avec ce qui est tout aussi indispensable : information, formation à tous les niveaux (de l'école aux professionnels), campagnes médiatiques soutenues, mesures techniques.
Toutes les études montrent qu'en dernier recours le patient prend une décision en fonction de ce que lui dit son professionnel de santé. Nous, médecins, gardons sa confiance et pouvons être convaincants si nous sommes convaincus. Notre responsabilité est donc entière. La manière de faire et le temps pour le faire ne sont malheureusement pas toujours au rendez-vous. C'est pourquoi nous devons échanger nos savoir-être et savoir-faire, nos pratiques, nos « trucs », afin de faire contrepoids à la rumeur négative omniprésente. Dans ce numéro sont publiés les textes des lauréats de l'édition 2017 du prix éditorial «Vaccination : comment convaincre » (voir page 258). Ce prix se veut une petite pierre dans l'édifice en construction. Le jury a retenu les textes de trois pédiatres de ville qui nous font part de leur expérience. Chacun de nous s'enrichira ainsi de l'expérience de l'autre, et d'aucuns auront peut-être envie l'an prochain de partager la leur. Merci aux participants d'avoir pris le temps de la réflexion et de l'écriture. Nous devons amplifier ces échanges, y compris sur les forums, blogs et réseaux, afin de ne pas laisser les gourous ou les anonymes de la rumeur complotiste occuper le terrain.
Nous renvoyons également à l'article de Joël Gaudelus (page 250), qui argumente en faveur de la vaccination en faisant le point sur chacun des vaccins de l'enfant.