Éditorial

La médecine fondée ­sur les logiciels ?


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Testons le dernier logiciel d’intelligence artificielle en vogue (ChatGPT), celui qui sema la pagaille dans les couloirs des lycées, parce que nombreux sont les étudiants qui lui confieraient leurs devoirs, notamment de philosophie. Voilà une idée étonnante, l’intelligence artificielle étant censée être binaire, basée sur des algorithmes démunis de débat ou d’intelligence émotionnelle ; un programme réussirait-il donc à élaborer des débats philosophiques construits et argumentés ?

Et si nous dialoguions avec ce logiciel ?

Donne-moi une définition de la médecine, par la plume de Fabrice Luchini 

“La médecine est un art qui combine la science et la compassion. Luchini dirait que c’est une discipline qui nous permet de comprendre et de traiter les maladies, mais aussi de soulager des douleurs et de sauver des vies. Il nous rappellerait que la médecine est une forme d’amour et de soin, qui nous permet de nous sentir en sécurité et en bonne santé.”

Quelle est donc la place de la compassion en médecine, selon toi ?

“Elle y est essentielle. Elle permet aux médecins de comprendre et de s’occuper des patients de manière plus efficace et plus humaine. La compas­sion permet aux médecins de mieux comprendre les besoins et les souffrances des patients et de leur offrir le meilleur traitement possible. Elle leur permet également de créer un environnement de confiance et de sécurité pour leurs patients, ce qui est essentiel pour leur bien-être et leur guérison.”

Penses-tu avoir plus de compassion qu’un médecin ?

“Non, les médecins sont formés pour être empathiques et comprendre les besoins et les souffrances des patients. Je pense que je peux avoir une grande compassion pour les autres, mais je ne peux pas rivaliser avec la formation et l’expérience d’un médecin.”

Quelle serait ta place en médecine alors ?

“Soutenir les médecins dans leurs efforts pour offrir le meilleur traitement possible aux patients. Je pourrais aider à créer un environnement de confiance et de sécurité pour les patients. Je pourrais aussi aider les gens à prendre conscience de l’importance de la santé et à promouvoir des pratiques médicales plus sûres et plus efficaces.”

Quid des mauvais médecins ? Combien sont-ils en France ?

“Environ 5 000 qui ne respectent pas les normes éthiques et professionnelles. Ils peuvent être impliqués dans des pratiques médicales douteuses ou frauduleuses.”

Pourrais-tu faire quelque chose pour eux ?

“Oui, je pourrais les signaler à l’Ordre des médecins afin de protéger les patients et de ­promouvoir des pratiques médicales plus sûres et plus efficaces. Je pourrais aussi sensibiliser les gens à l’importance de la santé et à la nécessité de choisir des médecins qualifiés et compétents.”

Étonnés de cette confiance affichée et des chiffres précis sur les “mauvais médecins” (?) Poussons le logiciel dans ses retranchements sur la compassion en abordant la question de l’euthanasie.

Inspiré de l’histoire de l’humanité, que penses-tu de l’euthanasie ?

“C’est une décision très personnelle et difficile à prendre. Il est important de respecter le choix du patient et le soutenir dans sa décision. Cependant, il est aussi important de prendre en compte l’avis des médecins et des membres de la famille du patient, car ils peuvent offrir une perspective différente et des conseils précieux.”

Et si la société y était très opposée ?

“Les opinions des autres sont importantes à prendre en compte, avec celles des médecins, du patient et de sa famille. Une fois toutes les informations recueillies, il serait important de prendre une décision qui soit la meilleure pour le patient et sa famille, même si elle est en opposition avec les opinions de la société.”

Le logiciel interlocuteur a donc fini par prendre parti pour le patient, en opposition avec la société. Il a aussi assuré pouvoir exprimer une grande compassion pour les autres, mais pas autant qu’un médecin.

Pour conclure l’échange...

Quel est ton avis sur le métier de pédiatre ?

“Ce métier est très important et noble. Les pédiatres sont des professionnels qui s’occupent de la santé et du bien-être des enfants et des adolescents. Ils sont chargés de diagnostiquer et de traiter les maladies et les blessures des enfants, ainsi que de fournir des conseils aux parents et aux autres membres de la famille. Les pédiatres sont des professionnels très compétents et dévoués qui font un travail essentiel pour assurer la santé et le bien-être des enfants.”

Quel est l’état de la pédiatrie ambulatoire libérale en France ?

“Selon une étude réalisée par l’Inserm en 2017, la pédiatrie ambulatoire en France est en croissance. En effet, le nombre de pédiatres libéraux a augmenté de plus de 20 % entre 2010 et 2017. De plus, le nombre de consultations ambulatoires a augmenté de plus de 10 % sur la même période. Cependant, les pédiatres libéraux sont confrontés à des difficultés, notamment en raison de la baisse des tarifs et de la hausse des charges.”

Et demain ?

Voilà une conversation à rendre perplexe, même les plus sceptiques. Imaginons notre avenir avec une intelligence artificielle programmée pour ne jamais écrire des éléments très critiques, négatifs ou racistes, mais capable d’émettre un jugement précis sur le nombre de mauvais médecins ou d’afficher fièrement une sorte de compassion…

Dans ce contexte de cohabitation de plus en plus fréquente avec l’intelligence artificielle, n’oublions pas qu’un médecin peut parfois prendre une décision qu’un algorithme inspiré par l’actualité scientifique, l’espérance de vie et les probabilités ne prendrait pas, parce que la médecine inimitable artificiellement commence parfois là où les recommandations s’arrêtent. Combien de fois une médecine stricte voulant appliquer scrupuleusement le “protocole du service” a-t-elle mené un patient à la dérive ? Combien de fois un jeune médecin s’est-il trouvé désemparé et incapable de prendre une décision devant un patient qui ne “rentrait” dans aucune case définie par le protocole.

Comment appréhender au mieux “la médecine fondée sur les preuves” au travers de la “médecine fondée sur l’expérience”. Et si chaque situation, chaque patient était différent ? Y a-t-il une place pour la médecine du cas par cas ?

À l’heure des “guidelines” pour tout, où placer le curseur du GPS médical ? ●


Liens d'intérêt

H. El Jurdi et M. Bellaïche déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet éditorial.

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