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Priapisme indolore chez l’enfant


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Notre confrère Olivier Fresco demande un avis à propos d’un enfant de 4 ans qui présente des épisodes d’érection spontanée, prolongée et indolore, observés non seulement par les parents au domicile, mais également au cours des consultations au cabinet médical. “Faut-il rechercher une pathologie particulière ?” interroge-t-il.

Le priapisme non ischémique, non douloureux, semble avoir été décrit chez des nourrissons sans qu’aucune étiologie n’ait été retrouvée, répond Christophe Philippe, qui rappelle que le priapisme douloureux d’origine ischémique est une complication classique de la drépanocytose, également observée dans la maladie de Fabry.

Claire Duhaut explique que le priapisme de l’enfant est lié à un trouble au niveau de la valve de la base des corps caverneux qui évite de mélanger urine et sperme chez l’adulte. Elle suggère donc d’inciter l’enfant à faire pipi… Elle propose en outre de vérifier si l’environnement de l’enfant n’est pas susceptible de solliciter trop précocement son activité sexuelle.

L’érection est apparue dès la première année et “a priori” en dehors de toute stimulation auto- ou hétéroérotique (en tout cas au cabinet), précise O. Fresco. Pour Alain Quesney, il est intéressant de voir apparaître dans la discussion les mots “autoérotisme” ou “stimulation” hétéroérotique qui ne sont pas des fantasmes mais des réalités observables par le pédiatre lors des consultations des premiers mois, en particulier lorsque la couche est ôtée et que le parent (la mère) applique une pommade sur le siège de son petit garçon avec quelquefois une tendresse bien appuyée. On peut parler d’une certaine érotisation de la relation corporalisée, précise notre confrère, qui s’interroge néanmoins sur sa persistance chez un enfant de 4 ans. Quelques éléments anamnésiques et cliniques devraient permettre de mieux évaluer la situation : quelle est la durée de l’érection, prolongée mais encore ? Est-ce le motif de la consultation ou une question posée à la sauvette en fin de consultation (classique signe du paillasson) ? A-t-elle été constatée antérieurement ? L’enfant s’essuie-t-il seul après la miction et l’évacuation des selles ? Se retient-il d’uriner pour penser devoir l’inciter à le faire ? (Encore un autoérotisme.)

Cette érection ne paraît pas gêner l’enfant mais elle gêne sûrement l’entourage et peut-être aussi le pédiatre, interroge A. Quesney. Effectivement, c’est dérangeant, voire déstabilisant d’être amené à examiner un enfant alors qu’il est en érection sous son slip, observe O. Fresco. D’autant plus quand le père explique que ces érections sont très fréquentes. Notre confrère s’étonne aussi de la prolongation du symptôme dans le temps de la consultation... et dans le temps tout court. Il est évident que cette situation interroge plus l’adulte que l’enfant, qui, lui, n’a pas l’air gêné de se retrouver dans une situation qui probablement pour lui, n’est pas consciemment érotisée. Évoquer ensuite un état d’excitation somatique déclenché consciemment ou non par une situation spécifique (ici la consultation pédiatrique) en présence de personnes spécifiques (en l’occurence des adultes, uniquement masculins ?) est une hypothèse qui requiert l’avis éclairé et éclairant de nos collègues pédopsychiatres, conclut-il. Pour C. Philippe, la question posée initialement par notre collègue ne doit pas occulter celle de la sexualité infantile à cet âge et en particulier l’érotisation de la fonction urinaire (stade urétéral). Elle ne doit pas pour autant faire l’impasse sur les fantasmes que suscite la situation clinique exposée.

L’avis du pédopsychiatre

Sollicité par ses confrères, le pédo­psychiatre Michel Boublil introduit sa réponse en citant un article du Monde des Sciences qui promeut une découverte : “la médecine narrative”, qui est présentée comme une découverte alors que chacun d’entre nous écoute et peut raconter l’histoire de chacun de ses patients… Le symptôme seul n’a pas de sens, souligne-t-il. Quelle est l’histoire de ce priapisme, ou plutôt de cet enfant ? À quel âge cela a-t-il commencé ? Dans quelles circonstances ? Quel est son cadre de vie (parents, fratrie, éducation écrans, morale, etc.) ? Quel sens prend son érection dans son environnement : positive ou suspecte ? Comment lui la vit-elle : gêne ou valorisation ? Comment est son langage, globalement et autour de ce phénomène ? Que dit-il ? Se touche-t-il ? Y a-t-il des remarques ou des réflexions autour de lui concernant ce qui se passe (moqueries ou grivoiseries), ou bien cela est-il vécu comme un problème de santé ? Les parents imaginent quoi ? Craignent-ils l’avenir ?

Ce type de symptôme n’est pas vécu comme peut l’être une rhinopharyngite et il n’est pas facile pour un médecin d’avoir à y répondre, note M. Boublil. Notre confrère rappelle que, dans “la conquête du feu”, Freud écrit “qu’uriner et procréer” est confondu chez le jeune enfant. Mélanie Klein accorde d’ailleurs une grande importance à ce stade urétral et pense qu’il détermine des traits de caractère de toute-puissance ou de sadisme à l’âge adulte, soulignant la surestimation narcissique du pénis chez l’homme. M. Boublil demande quelques précisions complémentaires. L’histoire de la crème ou de la pommade sur le pénis chez le jeune enfant dure-t-elle jusqu’à l’âge (où est cet enfant) du complexe d’Œdipe ? Quelle excitation cela produit-il en lui ? Notre confrère pédopsychiatre interroge également sur des pathologies organiques qui, hors de tout contexte, provoquent ces érections. Et conclut par une remarque ironique : vous voyez comment un psychiatre répond toujours à une question par des questions…

L’avis de l’urologue pédiatrique

Il convient tout d’abord de rappeler la définition du priapisme, souligne le Dr Matthieu Peycelon : il s’agit d’une érection d’une durée supérieure à 4 heures et douloureuse, nécessitant une prise en charge en urgence [1]. Ce qui ne semble pas correspondre au cas de ce jeune garçon pour lequel un bilan clinique précis et éventuellement des examens paracliniques peuvent néanmoins être nécessaires si les épisodes d’érection sont fréquents et prolongés.

La démarche diagnostique

L’interrogatoire du patient recherche des troubles mictionnels, un traumatisme même léger susceptible d’avoir créé des microfistules, ou la prise de médicaments. L’examen de la verge permet d’évaluer le caractère dur ou flaccide du gland et des corps caverneux. Un gland mou associé à des corps caverneux durs, remplis de sang, évoque un priapisme à bas débit veino-occlusif ischémique. À l’inverse, si le gland est rigide, il s’agit d’un priapisme à haut débit, non ischémique, par compression artérielle, a priori moins grave. Le bilan sanguin comprend : NFS, plaquettes, frottis sanguin, CRP, TP-TCK, fibrinogène, D-dimères, LDH et acide urique. L’électrophorèse de l’hémoglobine est également systématique, même en dehors d’une origine ethnique particulière, car certaines hémoglobinopathies peuvent, comme la drépanocytose, être responsables de priapismes. Une échographie abdomino­pelvienne permettra d’éliminer une masse sacrée, un lymphome, une tumeur urogénitale ou un neuroblastome.

Des étiologies organiques, mais aussi iatrogènes

Les étiologies du priapisme tel qu’il est défini, à savoir douloureux et prolongé de plus de 4 heures, sont la drépanocytose, les leucémies, les syndromes myéloprolifératifs, les traumatismes, les troubles de la coagulation (hyperplaquettose, hypercoagulation) et les tumeurs. Il faut également rechercher une cause médicamenteuse éventuelle ; certains antipsychotiques, antihyper­tenseurs, mais aussi la ritaline, peuvent en effet favoriser les troubles de l’érection.

Dans le cas de ce jeune garçon, précise le Dr Peycelon, un bilan biologique à la recherche de troubles de la coagulation et d’une hémoglobinopathie est suffisant. Il rappelle que si les érections sont régulières mais d’une durée inférieure à 1 heure, ce sont des érections “récréatives”.

Et l’urologue rejoint le pédopsychiatre en évoquant le cas de parents particulièrement angoissés par les érections de leur enfant, qui les induisent en vérifiant sans arrêt leur présence ou leur absence…

Références

1. Donaldson JF et al. Priapism in children: a comprehensive review and clinical guideline. J Pediatr Urol 2014;10(1):11-24.


Liens d'intérêt

M. Joras déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.

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