La cohorte ELFE (Jonathan Bernard, Inserm) fournit une estimation chiffrée de l’exposition des jeunes enfants aux écrans [3]. Sur 14 000 enfants :
- à l’âge de 2 ans, les enfants passent en moyenne 56 minutes par jour devant un écran (dont plus de 4 heures pour 2 % d’entre eux) ;
- à l’âge de 3 ans et demi, la moyenne est de 1 heure 30 par jour (dont plus de 4 heures pour 4 % d’entre eux) ;
- à l’âge de 5 ans et demi, la moyenne est de 1 h 40 par jour (dont plus de 4 heures pour 5 % d’entre eux).
Pour lutter contre ce danger largement médiatisé, mais loin d’être maîtrisé, des consultations spécialisées “écrans” ouvrent en pédiatrie, à l’hôpital de Bondy par exemple, nous informe Michel Boublil. Il résume ainsi la démarche : arrêt des écrans pour les jeunes patients présentant un retard ou des troubles divers, dont on ne sait pas au départ s’ils sont autistes ou perturbés par les écrans, bilans ORL et ophtalmologique et évaluation après le sevrage [4].
Pour notre confrère, au-delà des écrans qui sont néfastes pour les petits et atteignent leur cognition verbale, le problème est beaucoup plus complexe. Il faut tenir compte des raisons pour lesquelles certains parents débordés mettent leurs enfants devant les écrans comme mode de garde ou d’apaisement, et considérer le cadre familial et les problèmes économiques et sociaux.
Le débat sur les écrans et les recommandations n’ont pas fini de susciter des controverses. Le “pas d’écran avant 3 ans” reste valable si on ajoute que l’addiction numérique des adultes qui les transforme en “homo digitus” les fait entrer dans “la civilisation du poisson rouge” (Bruno Patino, éditions Grasset)1.
Catherine Salinier partage ce point de vue et rappelle que la position de l’AFPA (Association française de pédiatrie ambulatoire) est sensiblement différente de celle du CoSE (Collectif surexposition aux écrans), dont une des initiatrices est en charge de la consultation de Bondy [5].
En effet, l’AFPA ne reconnaît pas le syndrome EPEE (exposition précoce et excessive aux écrans) décrit par le Pr Daniel Marcelli [6]. Ce n’est pas supprimer le temps d’écran qui fait se développer un enfant mais augmenter les interactions, explique C. Salinier.
L’AFPA axe son action autour de : “la meilleure application pour votre enfant, c’est vous”, diffusé par Mpedia [7] et soutenu par Santé publique France et la Fondation pour l’enfance. François-Marie Caron, responsable des actions de l’AFPA sur ce sujet, travaille en étroite collaboration avec J. Bernard, qui a réalisé cette partie de l’étude ELFE. Le programme sur le thème “moins d’écran, plus d’interactions” de Mpedia a d’ores et déjà formé plus de 4 000 professionnels de l’enfance lors d’ateliers thématiques.
1 Comme le note l’auteur de ce petit traité sur le marché de l’attention, Bruno Patino, “Le poisson rouge tourne dans son bocal. Il semble redécouvrir le monde à chaque tour. Les ingénieurs de Google ont réussi à calculer la durée maximale de son attention : 8 secondes. Ces mêmes ingénieurs ont évalué la durée d’attention de la génération des millennials, celle qui a grandi avec les écrans connectés : 9 secondes. Nous sommes devenus des poissons rouges, enfermés dans le bocal de nos écrans, soumis au manège de nos alertes et de nos messages instantanés.”