Alors que la campagne nationale d’immunisation par le nirsévimab a commencé en ville comme dans les maternités, la possibilité de vacciner la femme enceinte offre une nouvelle option pour protéger les nourrissons contre les infections à VRS. Comment choisir entre ces 2 stratégies ? Les modalités d’administration et la temporalité de la protection anti-VRS (pendant la période épidémique) présentées par François Vié Le Sage sur le forum doivent être prises en compte pour choisir entre la vaccination maternelle et l’immunisation du nourrisson.
La vaccination est proposée à la future mère à partir de 32 SA. Les anticorps maternels transmis assurent une protection estimée à 6 mois. Il faut donc choisir le meilleur moment pour vacciner la mère en fonction de la date prévue de l’accouchement pour protéger le bébé pendant la période de l’épidémie de VRS, sachant que le vaccin est efficace dès la naissance s’il a été fait au moins 14 jours plus tôt. Il faut aussi prendre en compte un délai minimal de 2 semaines entre le vaccin contre le VRS et le vaccin contre la coqueluche, qui est recommandé à chaque grossesse entre 20 et 36 SA.
Pour l’immunisation des nouveau-nés et des nourrissons, le délai d’efficacité est estimé entre 3 et 6 jours, et la durée de protection de 5 à 6 mois. Tous les enfants nés depuis le 1er janvier 2024 sont éligibles. L’immunisation a commencé en septembre et se poursuivra jusqu’à février 2025.
La stratégie doit donc être décidée pendant la grossesse à 32 SA selon la date d’accouchement prévue par rapport à la “saison épidémique de VRS”, explique F. Vié Le Sage, qui a partagé sur le forum un calendrier pratique d’Infovac et de l’AFPA (figure).
Emla or not Emla ?
Toujours concernant le nirsévimab, Olivier Fresco s’interroge sur l’intérêt du patch Emla pour prévenir la douleur liée à l’injection. “Effectivement, l’Emla n’a pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) et n’est pas recommandé pour les vaccins et encore moins pour le nirsévimab, répond F. Vié Le Sage. Ce qui n’empêche pas de pouvoir l’utiliser”…, poursuit-il.
S’il n’est pas recommandé, alors pourquoi l’utiliser, s’étonne Catherine Salinier, d’autant que le patch n’est jamais posé au bon endroit, que son ablation est souvent douloureuse et qu’il ne supprime pas la douleur… Marie-Anne Daumont partage ce point de vue. Bien qu’elle l’ait longtemps prescrit avant les vaccins, elle privilégie la distraction, la mise au sein ou la prise d’un biberon pour calmer le nourrisson. Reste les adolescents, que le patch peut rassurer.
Elisabeth Fournier Charrière exprime un avis différent. Elle rappelle que le patch Emla a pour AMM “insertion d’aiguille”1, donc la vaccination ! La seule réserve concernant les vaccins vivants est mentionnée pour le BCG, sans le contre-indiquer. Il n’y a aucun argument pour s’opposer à l’utilisation d’Emla pour le nirsévimab, même s’il n’évite que la douleur de l’effraction cutanée. En revanche, une étude sur la douleur liée à l’injection de nirsévimab serait utile pour pouvoir établir des recommandations. Les avis semblent très partagés… Certains pédiatres et médecins généralistes évoquent une très forte douleur, alors que d’autres estiment que cette injection ne pose aucun problème.
Comme ses confrères, E. Fournier Charrière rappelle que d’autres méthodes sont nécessaires, en particulier chez les bébés (prise de sucre, distraction). La question de la prévention de la douleur se pose d’autant plus que le nombre de vaccins a augmenté, souligne O. Fresco. La vaccination est trop souvent une expérience traumatisante pour les parents : “On vient faire piquer notre enfant”, “N’aie pas peur, aujourd’hui il n’y a pas de piqûre”…
Ce sujet de la prise en charge de la douleur vaccinale en médecine de ville reste sous-évalué.
1 Emla en patch ou en crème est un anesthésique local contenant de la lidocaïne et de la prilocaïne. D’après le Vidal, il est utilisé pour insensibiliser la peau avant un acte médical douloureux : petite intervention chirurgicale, piqûre, prise de sang.