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Éditorial

Des pères en manque de repères ?


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“Docteur, il tousse la nuit et réveille tous ses frères et sœurs”, m’explique un papa agacé et bienveillant. Lequel avait été incapable, lors de l’admission, de dire le prénom de l’enfant qu’il amenait consulter, d’où l’inscription “X” devant le nom patronyme sur la fiche du patient… Je lui demande courtoisement lequel, parmi les 5 enfants en bas âge présents à la consultation, est celui qui tousse. Il me répond, courroucé : “Je ne sais pas : l’enfant tousse, réveille tout le monde, et quand sa mère accourt pour voir ce qu’il se passe, tout le monde est réveillé, sans tousser et nous ne savons pas qui a toussé en premier !” Me voilà donc dans l’obligation d’examiner toute la fratrie…

Qui n’a pas vécu cette consultation où le père, incapable de répondre aux questions du praticien, expliquant qu’il est souvent absent, téléphone à son épouse en activant le haut-parleur et nous oblige à faire une consultation et une prescription “par contumace” ? Qui n’a pas vécu cette consultation où le père se retire pour répondre à un “appel professionnel important” ? Et puis, en face de ces pères per…dus, il y a les pères érudits d’une parentalité enseignée quotidiennement sur les réseaux sociaux. Ces pères, parfois, voudraient être père-mère, nous abreuvant pêle-mêle de détails souvent inutiles mais à la gloire de leur exploit, car ils donnent le bain, désobstruent le nez, nourrissent, et même changent la couche (“Je le change uniquement quand c’est du pipi”, me confiait un père…). Un papa s’est même exclamé : “Notre famille, c’est le bébé, la mère et “la” père” (les deux font-ils la paire ?), et un autre expliquait : “Notre allaitement ne fonctionne pas bien…”, tout en plaquant la face du bébé sur son muscle pectoral gauche… Enfin, de plus en plus souvent, les grands-pères assistent eux aussi aux consultations, insistant sur leur implication dans l’éducation et le suivi de leur petit-enfant. Ils font ce qu’ils n’ont pas fait en tant que père : seraient-ils les “nouveaux grands-pères” ?

Quels sont les morphotypes de ces “nouveaux pères” ? Ceux qui sont dans une réflexion constante avec l’observation obsessionnelle de leur enfant : “Pourquoi fait-il cela, que veut dire cette attitude, pourquoi pleure-t-il ?” Ceux qui sont donneurs de leçons (souvent soufflées par leur propre mère… ah, les belles-mères !) : “Tu aurais dû faire ceci, tiens-le comme ça, tu t’énerves trop vite, tu la couvres trop, nourris-le plus lentement…” Et ceux qui se cherchent : sommés d’entreprendre une formation accélérée de leur rôle de papa [1], ils s’abreuvent d’informations là où ils en trouvent, sur le Web, par exemple à l’adresse “nouveauxpères.com” où deux Québécois mettent l’accent (avec l’accent) sur le rôle des nouveaux pères pas pépères, ou bien dans la BD. L’Arnaque des nouveaux pères [2], dont la couverture montre une mère qui gravit péniblement une pente en portant sur son dos le sac, le bébé et… le père qui se prend en selfie avec l’enfant…

Face aux tâches parentales, certains pères se font démissionnaires, ou pire, rois de la procrastination. C’est malheureusement ce que l’on observe parfois en cas de maladie chronique en général, et dans le suivi des enfants encéphalopathes en particulier. Saviez-vous que 85 % des rendez-vous médicaux sur Doctolib sont pris par des femmes ? Les “nouveaux pères” font-ils en sorte qu’il n’y ait rien de nouveau chez les mères ? Non, ces pères sont tiraillés entre les injonctions sociétales à prendre leur part (égale) dans le ­fonctionnement du foyer familial et les vestiges du modèle patriarcal qui les éloignent de leur nouveau rôle de père.

En tant que professionnel de la petite enfance, nous nous devons de soigner les enfants et d’accompagner leur(s) parent(s), avec le “s” entre parenthèses, car il est désormais fréquent d’être en consultation avec une famille monoparentale. Il n’est pas question, bien sûr, de porter un jugement de valeur (chacun ayant ses propres valeurs éducationnelles et sociétales, que le médecin doit occulter… c’est son propre “secret médical”). La “guidance parentale” doit donc s’adapter aux “nouveaux” protagonistes. ●

Références

1. Cartigny M. Des “nouveaux pères” trop pépères ou le syndrome de la valise. Le Monde du 13 octobre 2024.

2. S. Jourdain G. Daudin, L’Arnaque des nouveaux pères. éd. Glénat, 2024.


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M. Bellaïche déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet ­article.

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