Etude KEYNOTE-177 – Cancer colorectal métastatique MSI : le pembrolizumab en première ligne, enfin !
15 % des cancers colorectaux (CCR), mais seulement 5% des CCR métastatiques (CCRm), présentent une instabilité microsatellitaire (MSI) ou déficience MMR (dMMR), soit sporadique (hyperméthylation du promoteur de MLH1), soit dans le cadre d’un syndrome de Lynch (mutations d’un des gènes MMR). Le statut tumoral MSI/dMMR est un biomarqueur majeur pour sélectionner de façon « agnostique » (indépendante du type tumoral) les patients à même de bénéficier d’une immunothérapie par inhibiteur de checkpoint immunitaire (ICI). Depuis 2015, plusieurs études de phase II ont montré, chez des patients en échec de chimiothérapie conventionnelle, la forte sensibilité des CCRm MSI aux ICI, ce qui a conduit la FDA (mais non l’EMeA, en l’absence d’étude randomisée) à autoriser les ICI dans cette indication après échec d’une chimiothérapie de 1re ligne. Les ICI n’avaient toutefois jamais été évalués en phase III face à la chimiothérapie standard en 1re ligne.
L’étude de phase III KEYNOTE-177, présentée en séance plénière par Thierry André, établit un nouveau standard de traitement dans cette entité rare, avec des chances de survie à des niveaux jamais observés avec les traitements conventionnels (figure 1). 192 centres dans 23 pays ont inclus 307 patients sélectionnés par le statut MSI évalué localement (immunohistochimie ou biologie moléculaire), randomisés entre pembrolizumab 200 mg (dose fixe) tous les 21 jours pendant 35 cycles et un traitement standard au choix de l’investigateur (FOLFOX ou FOLFIRI, avec bévacizumab ou cétuximab). Les données de réponse et de survie sans progression (SSP) ont été présentées (relecture centralisée en aveugle).
La population sélectionnée présentait une prédominance de tumeurs du côlon droit (67 et 70 %) et une forte proportion de tumeurs BRAF mutées (22 et 28 %), ce qui était attendu compte tenu du chevauchement entre mutations BRAF, statut MSI et siège colique droit (figure 2).
Le taux de réponse était significativement en faveur du pembrolizumab : 44 % dont 11 % de réponses complètes contre 33 % pour le bras chimiothérapie (3 % de réponses complètes). Surtout, le caractère habituellement prolongé de la réponse au pembrolizumab, avec une durée médiane de réponse d’au moins 24 mois pour 83 % des patients, contre 35 % dans le bras chimiothérapie, se traduit par l’observation, soulignée par T. André dans sa présentation, d’un retour fréquent à la vie normale y compris à l’activité professionnelle chez ces patients, voire peut-être même un espoir de guérison, puisque 53 patients ont complété les deux ans protocolaires de traitement (figure 3). Le bénéfice se retrouve dans tous les sous-groupes excepté les patients ayant une mutation RAS (22 et 27 % des patients ; HR 1,19 0,68-2,07). Le taux de résection chirurgicale secondaire des métastases était similaire dans les deux bras (13 %). Le bénéfice de l’immunothérapie s’est traduit par un doublement de la médiane de SSP (de 8,2 à 16,5 mois ; HR 0,60, p=0,0002) avec à 24 mois 48 % de patients non progressifs sous pembrolizumab contre 19 % avec la chimiothérapie (figure 4). Néanmoins, dans les 6 premiers mois, les courbes sont inverses, témoignant d’un taux de progression initial de 29 % sous immunothérapie, faisant identifier un sous-groupe de patients « progresseurs rapides ».
La tolérance était très significativement en faveur de l’immunothérapie, avec un écart de 44 % pour la toxicité grade 3-4 (figure 5). La toxicité spécifique de l’immunothérapie apparaît limitée 9 % de grade 3-4 (3 % de colites et 3% d’hépatites), sans augmentation des réactions cutanées et allergiques (1 % dans les deux bras).
Les données de survie globale sont attendues, mais un crossover vers le pembrolizumab après échappement dans le bras chimiothérapie pour plus de 60 % des patients pourrait impacter les résultats.
Au total, le pembrolizumab devient un standard de traitement en 1re ligne du CCRm MSI, avec un profil de tolérance et un gain de survie inédit. La progression rapide de 29 % des patients justifie aussi l’exploration d’une intensification par combinaison soit avec une autre immunothérapie, par exemple anti-CTLA4, soit avec une chimiothérapie/thérapie ciblée.