Expression de CEACAM5 et anticorps anti-CEACAM5 conjugué DM4 (SAR408701) : un nouveau couple thérapeutique gagnant dans les CBNPC non épidermoïdes prédominants étendus
La molécule d’adhésion cellulaire antigène carcinoembryonnaire de type 5 (carcinoembryonic antigen cell adhesion molecule 5) (CEACAM5/CD66e) est une molécule d’adhésion intercellulaire exprimée de manière physiologique au niveau du tube digestif et des tissus hématopoïétiques, faiblement exprimée au niveau du tissu pulmonaire normal. Sa surexpression pathologique a été décrite au cours de différents cancers et son rôle dans la carcinogenèse implique :
– une augmentation de l’adhésion cellulaire ;
– une résistance à l’activité antiproliférative du TGFß ;
– l’induction d’une tolérance immunitaire ;
– et l’inhibition de la fonction des cellules NK.
Dans un travail précédent, une expression forte (intensité 2+ dans ≥ 50 % des cellules) ou modérée (intensité 2+ dans ≥ 1 à 49 % des cellules) a été retrouvée dans 20 et 24 % des CBNPC-Nep étendus. Le SAR408701 est un anticorps humanisé anti-CEACAM5 conjugué au maytansinoïde (DM4), inhibiteur de la polymérisation de la tubuline. À l’ASCO 2019®, avaient été présentés les résultats de l’essai de phase I/II de cohortes multiples (CBNPC, cancer à petites cellules, cancer gastrique et colorectal) permettant de déterminer la DMT à 100 mg/m2 tous les 15 jours. A. Gazzah et al. ont présenté les résultats finaux de tolérance et d’efficacité de la phase d’expansion pour la cohorte des CBNPC-Nep lors de cet ASCO®.
L’expression de CEACAM5 était évaluée en centralisé par IHC et les patients étaient inclus dans 2 cohortes en fonction de l’expression “forte“ (F) (n = 64) ou “modérée“ (M) (n = 28). Le SAR408701 était administré tous les 15 jours à la dose 100 mg/m2. L’évaluation tumorale était réalisée toutes les 8 semaines et le critère principal de jugement était le taux de réponse objective (TRO).
La population globale (n = 92) était âgée de 62,5 ans (31-91), 51,1 % étaient des hommes, de PS 1 dans 71,1 % des cas ; le statut tabagique n’était pas précisé. La maladie métastatique touchait plus de 3 organes chez 56,1 % des patients qui avaient reçu une médiane de 3 lignes de traitement (1-10) dont un agent antitubuline dans 60,9 % et un anti-PD-1-PD-L1 dans 75 % des cas. Dans la cohorte de patients modérément “expresseurs”, 2 réponses partielles ont été observées, soit un taux de RO de 7,1 %. Les patients ont reçu une médiane de 7 cycles (1-49) avec un respect de la dose-intensité dans 98 % des cas. Les principaux résultats d’efficacité sont présentés sur la figure. Le TRO était de 20,3 % (IC95 : 12,27–31,71) dans le groupe F et de 7,1 % (IC95 : 1,98–22,65) dans le groupe M. La médiane de durée de traitement était de 5,6 mois (2,0-24,6) dans le groupe F. Dans le groupe F, il n’y avait pas de caractéristique associée à la réponse, en particulier l’exposition ou non à une immunothérapie. Sur le plan de la tolérance (n = 92) : 6 patients ont interrompu le traitement pour une toxicité ; 51 % ont présenté une toxicité de grade ≥ 3 dont les plus fréquentes étaient une kératite (10 %) et une dyspnée (10 %) ; 15,5 % étaient liées au traitement et 33,6 % ont eu une réduction de dose (dont 10 pour une kératite) ; les principaux effets indésirables étaient une asthénie (38,0 %), une kératite (38,0 %), une neuropathie (26,1 %), une dyspnée (23,9 %), une diarrhée (22,8 %), une leucopénie (14,4 %), une neutropénie (4,4 %) et une thrombopénie (13,3 %).
Conclusion
Le SAR408701 a montré un taux de réponse intéressant dans les CBNPC- Nep exprimant fortement CEACAM5, chez des patients lourdement traités et ayant reçu pour la plupart une immunothérapie et un agent antitubuline. La tolérance est celle d’une chimiothérapie habituelle à l’exception de la fréquence des kératites qui sont réversibles. Ces résultats sont à mettre en perspective avec les taux de réponse observés avec le docétaxel en 2e ligne (9 à 14 %). Un essai de phase III a débuté évaluant le SAR408701 vis-à-vis du docétaxel, dans les adénocarcinomes étendus, exprimant fortement CEACAM5 chez des patients ayant reçu un doublet de platine et une immunothérapie.