L’ADN tumoral circulant est pronostique : so, what’s up Doc?
La présence d’ADN tumoral circulant (ADNtc) est un facteur de mauvais pronostic validé dans tous les cancers (Bettegowda C et al. Sci Transl Med 2014), et notamment en adjuvant après résection à visée curative d’un cancer du côlon (Tie J et al. JAMA Oncol 2019 ; Taieb J et al. ESMO 2019).
Dans cette étude, les auteurs ont évalué la valeur pronostique de l’ADNtc chez des patients opérés d’un cancer colorectal de stade I à III. Un prélèvement plasmatique était réalisé à J30 postopératoire puis tous les 3 mois durant le suivi, jusqu’à 36 mois. Pour rechercher l’ADNtc, chaque tumeur primitive a été séquencée puis le top 16 des gènes mutés a été sélectionné afin de définir une PCR multiplex personnalisée qui a servi à analyser les échantillons de chaque patient.
Parmi les 198 patients inclus, les données de 193 sujets ont été analysées : stade I (n = 5), stade II (n = 85), stade III (n = 103), chimiothérapie adjuvante (n = 105). La présence d’ADNtc avait une valeur pronostique forte quelle que soit la méthode d’analyse (en postopératoire pour tous, de façon longitudinale, ou en post-chimiothérapie adjuvante) (figure). Par exemple, parmi les 14 patients avec ADNtc positif après chirurgie sur 152 analysés (9,2 %), 11 ont rechuté (78,5 %). En analyse multivariée, la présence d’ADNtc durant le suivi était le seul facteur de mauvais pronostic après ajustement sur l’âge, le sexe, le stade, la chimiothérapie adjuvante, le phénotype MMR, les engainements périnerveux et le nombre de ganglions réséqués (HR = 53,19 ; IC95 : 18,87-149,90 ; p < 0,001). La détection d’ADNtc précédait de 8,15 mois en médiane (IQR : 0,56-16,6 ; p < 0,001) la détection d’une récidive en radiologie.
En conclusion, ces données confirment les résultats déjà publiés par d’autres équipes. La valeur pronostique de l’ADNtc est indiscutable, et cela quel que soit le type de cancer et le stade. La question de l’utilisation en pratique de l’ADNtc reste entière, avec plusieurs questions majeures en suspens .
• Pour les indications de chimiothérapie adjuvante : peut-on guérir des patients avec ADNtc détectable en postopératoire ou ne fait-on que retarder les récidives ? Faut-il intensifier la chimiothérapie adjuvante chez les patients avec ADNtc détectable en postopératoire ? Peut-on s’affranchir d’une chimiothérapie adjuvante chez les patients n’ayant pas d’ADNtc détectable en postopératoire ? Plusieurs études en cours explorent prospectivement ces questions.
• Pour le suivi : serait-il plus intéressant de suivre les patients avec uniquement l’ADNtc et s’affranchir des examens radiologiques de suivi ? Est-ce coût-efficient ? On rappellera qu’en situation métastatique, l’ADNtc n’est trouvé que chez 80 % des patients et que la présence d’ADNtc est significativement corrélée à la présence de métastases hépatiques (Bachet JB et al. Ann Oncol 2018).