Le new normal
Le digital s’est imposé à notre agenda annuel des congrès plus vite qu’imaginé, COVID-19 aidant. Après le congrès français de cancérologie digestive et de gastroentérologie (JFHOD) en mars, finalement transformé en e-JFHOD en juillet, et le congrès américain de recherche en cancérologie (AACR) en avril, c’est au tour de la grand-messe américaine de cancérologie clinique de virer au virtuel, pour la première fois en 50 ans d’existence.
Fini, la culpabilité d’une empreinte carbone de moins en moins défendable ! Fini, les files d’attente interminables à la douane de Chicago O’Hare ! Fini, les embouteillages de taxis devant le McCormick Convention Center ! Mais aussi, plus de pause-café devant le lac Michigan ; plus de discussions impromptues aux posters avec un collègue néo-zélandais, californien, finlandais ou argentin (ou avec les quatre à la fois) ; plus de face to face meetings avec les industriels dans les innombrables business rooms pour bâtir les prochains essais ; plus de dîners dans les steakhouses avec les anciens collègues et amis retrouvés une fois l’an, à refaire les études, ou simplement le petit monde de la cancérologie ; et pour l’équipe de rédacteurs de cet e-journal, plus de courses chronométrées dans les (très) longs couloirs du McCormick, de lutte contre le jet lag à coup de café américain surcaféiné, de soirées room service dans la salle de rédaction industrieuse à boucler l’édition du jour…
Alors, est-ce le new normal, comme disent les Américains, auquel il faudra s’habituer (si ce n’est déjà fait depuis le confinement avec nos téléconsultations et vidéoconférences) ? Sera-ce le nouveau pli des congrès désormais, même quand (si !) la pandémie Sars-Cov-2 s’éteindra ? Le digital sera-t-il la règle, et le physique l’exception ? Ou irons-nous vers une forme hybride, selon un mode phygital, à l’instar de ce qui se profile dans le commerce ? De fait, on perçoit bien qu’il nous manque quelque chose d’essentiel, dans ces congrès virtuels, quelque chose de consubstantiel à toute forme de spectacle vivant : l’expérience collective. Et aussi, peut-être, le congrès virtuel est-il au congrès physique ce que la télévision est au cinéma pour Jean-Luc Godard : la télévision, on regarde vers le bas, le cinéma, on regarde vers le haut.
Espérons que nous saurons cette année encore, malgré tout, tirer votre regard vers le haut.
PS : ne manquez pas l’éclairant débat d’experts du cancer du rectum, que nous avons invités à commenter les essais RAPIDO et PRODIGE 23
McCormick Convention Center, Chicago, transformé en hôpital pendant la pandémie COVID-19.