Trastuzumab deruxtecan (étude DESTINY-Gastric01) : enfin le rechallenge des anti-HER2 ?
Les adénocarcinomes œsogastriques surexpriment HER2+ dans 15 à 20 % des cas (Van Cutsem E et al. Gastric Cancer 2015). L’anti-HER2 trastuzumab, associé à une chimiothérapie par fluoropyrimidines et cisplatine, est le standard de 1re ligne chez les patients HER2+ (immunohistochimie [IHC] 3+, ou IHC 2+ avec hybridation in situ [ISH] +) avec un bénéfice de survie globale (SG) de cette association par rapport à la chimiothérapie seule (HR = 0,74 ; 0,60-0,91 ; p = 0,0046) (Bang YJ et al. Lancet 2010).
Après le cancer colorectal métastatique (cf. brève dans cette édition), la déclinaison des études DESTINY se poursuit avec DESTINY-Gastric 01. Dans cette étude de phase II randomisée 2:1, le trastuzumab deruxtecan, anticorps conjugué composé d’un anticorps anti-HER2 fixé à un inhibiteur de topoisomérase I par un lieur à base de tétrapeptides a été évalué dans les cancers œsogastriques métastatiques HER2+ prétraités par ≥ 2 lignes thérapeutiques dans une étude par rapport à une chimiothérapie laissée au choix de l’investigateur (irinotécan ou paclitaxel) (figure 1). L’objectif principal de l’étude était le taux de réponse objective avec relecture centralisée par un panel indépendant.
Au total, 187 patients asiatiques (79 % Japon/Corée) ont été randomisés entre trastuzumab deruxtecan à 6,4 mg/kg (J1 = J21 ; n = 125) et chimiothérapie au choix de l’investigateur (n = 62) soit par irinotécan (n = 55), soit par paclitaxel (n = 7). Les patients avaient tous été traités antérieurement par fluoropyrimidines, sels de platine et anti-HER2. Parmi les traitements reçus avant la randomisation, 86 % avaient reçu un taxane, 72 % du ramucirumab et 33 % une immunothérapie.
L’étude était positive sur son objectif principal avec une augmentation significative dans le bras trastuzumab deruxtecan par rapport à la chimiothérapie au choix de l’investigateur du taux de réponse objective (42,9 versus 12,5 % ; p < 0,0001) (figure 2). La durée médiane de réponse (11,3 versus 3,9 mois), la survie sans progression (5,6 versus 3,5 mois ; HR = 0,47 ; 0,31-0,71) et la survie globale (12,5 versus 8,4 mois ; HR = 0,59 ; 0,39-0,88 ; p = 0,0097) (figure 3) étaient également améliorées de façon significative.
Les toxicités de grade 3-4 étaient essentiellement hématologiques : neutropénie (51,2 versus 24,2 %), anémie (37,6 versus 22,6 %). L’atteinte interstitielle pulmonaire classiquement décrite avec le trastuzumab deruxtecan était observée chez 9,6 % des patients.
Au total, les données de cette étude sont en faveur du trastuzumab deruxtecan chez des patients avec adénocarcinome œsogastrique métastatique HER2+ lourdement prétraités, et militent en faveur du concept de rechallenge des anti-HER2 après échec en 1re ligne. Le bénéfice de survie globale du trastuzumab deruxtecan mériterait d’être confirmé dans une étude de phase III, incluant des patients non asiatiques. Enfin, ces résultats ouvrent des perspectives et pourquoi pas évaluer le trastuzumab deruxtecan dès la 1re ligne ? On attend aussi avec impatience les résultats dans les cohortes HER2 faible (IHC 2+, ISH – ou IHC 1+), qui n’ont pas été rapportés dans cette présentation, le trastuzumab deruxtecan paraissant capable d’exercer un effet antitumoral dans ces situations dans d’autres types tumoraux.