La résistance aux antibiotiques est-elle une fatalité ?
À cette question difficile, 2 réponses sont envisageables. Une, plutôt pessimiste : les mécanismes de résistance en place ne disparaîtront pas et le niveau de résistance pour chaque antibiotique a peu de chances de diminuer. L’autre, plutôt optimiste : il est possible de stopper l'accroissement des résistances et de limiter l'émergence de la résistance aux nouveaux antibiotiques. La meilleure preuve que ce scénario optimiste est atteignable est que, dans le même continent, l’Europe, le pourcentage de bactéries multirésistantes, comme les klebsielles résistantes aux pénèmes, est 40 fois plus important en Europe du Sud (Grèce, Italie) qu'en Europe du Nord.
Un parallèle très étroit peut être établi entre le réchauffement climatique et l’antibiorésistance. Nous savons que, dans les 2 cas, les phénomènes s'aggravent de façon rapide, et que les mesures qui permettraient de contrôler ces 2 phénomènes, bien qu’existantes, ne sont pas prises ou, en tous cas, ne sont pas appliquées de façon suffisamment rigoureuse pour permettre de contrôler la situation. Un article récent, publié dans The Lancet il y a quelques semaines, chiffre à près de 5 millions le nombre de décès associés à la résistance aux antibiotiques, dont près de 1,3 millions lui sont directement imputables.
Pourtant, pour lutter contre l’antibiorésistance, les solutions sont connues :
• ne pas prescrire inutilement des antibiotiques est probablement la mesure la plus importante : cela implique une bonne formation des prescripteurs, incluant la connaissance des outils qui permettent de réduire l'incertitude diagnostique ;
• prescrire les antibiotiques les moins sélectionnants : un certain nombre d'antibiotiques “critiques” doivent être évités, tels les céphalosporines, l’azithromycine, de même que l’Augmentin®, qui sont à éviter en ambulatoire ;
• raccourcir les durées de traitement ;
• enfin, prescrire, lorsque les antibiotiques sont utiles, les doses les plus adaptées.
L'antibiorésistance est devenue une des principales causes de mortalité dans le monde. Sans grande erreur, on peut estimer que les études à ce sujet sous-estiment la réalité, les données de nombreux pays étant peu fiables. Il y a une vingtaine d'années, au moment de l’émergence des bactéries à Gram négatif résistantes aux carbapénèmes, très peu d'antibiotiques avaient encore une activité efficace sur ces souches multirésistantes ; il s'agissait de la colimycine, de la tigécycline et de la fosfomycine. Tous ces antibiotiques, même si les bactéries semblaient y être sensibles “in vitro”, entraînaient, quand ils étaient prescrits, une perte de chance considérable pour les malades par rapport aux céphalosporines de troisième génération ou aux pénèmes lorsqu’ils étaient encore actifs. Depuis maintenant une dizaine d'années, des molécules plus intéressantes ont été mises sur le marché dans les pays développés et, surtout, de nouveaux inhibiteurs, qui ont permis de restaurer une partie des chances pour les malades. Ils induisent des résultats cliniques en termes de guérison ou de décès très supérieurs à la colimycine, à la tigécycline ou à la fosfomycine, avec une tolérance dans l’ensemble bien meilleure. En partie seulement, car aucun antibiotique n’est actif sur l’ensemble des mécanismes de résistance (tableau I). Une bonne étude microbiologique du profil de sensibilité est nécessaire, et on observe déjà des mécanismes de résistance à ces antibiotiques, apparus parfois même sous traitement. Dans l’évaluation de ces antibiotiques, il faut prendre en compte non seulement le taux de succès et la réduction des échecs, mais aussi l’induction de nouvelles résistances (tableau II).
Certains de ces antibiotiques ont une AMM depuis quelques années et des posologies pédiatriques sont disponibles.
De nouvelles molécules sont en cours de développement, mais leur utilisation nécessite un niveau d’expertise élevé.