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Les suites de la dette immunitaire… encore et encore


Quelques mois après le début de la pandémie, alors que les mesures d'hygiène prises pour la limiter étaient strictement appliquées, nous avions évoqué l'hypothèse d'une "dette immunitaire" ou d'un "gap" immunitaire concernant plusieurs virus et bactéries infectant habituellement les enfants. En effet, tous les pédiatres un tant soit peu spécialisés dans les maladies infectieuses savent qu'un certain nombre de ces virus et bactéries infectent tous les enfants avant l'âge de 2 à 3 ans. Moi-même, je n’ai cessé de répéter lors de conférences qu’en temps normal, 100 % des enfants avaient présenté avant cet âge une infection à rotavirus, VRS, grippe et que 100 % des enfants portaient dans leur microbiote, pneumocoque, H. influenzae ou méningocoques à un moment ou l’autre de l’année, le plus souvent sans symptôme ou avec des symptômes mineurs. Très rapidement après la mise en place des mesures de protection “Covid”, nous n’avons quasiment plus vu de bronchiolites, de pneumonies, de grippes, de pharyngites à streptocoque etc., et ceci pendant plusieurs mois. Cette situation témoignait d’une circulation moindre de ces agents pathogènes due à ces mêmes mesures. Nous nous sommes rapidement questionnés sur les conséquences de la quasi-disparition de ces maladies lorsque nous lèverions ces mesures d'hygiène. Nous avions émis l'hypothèse que cette période verrait une augmentation plus ou moins rapide et intense de ces infections : “Gouverner, c’est prévoir” disait Thiers. Je dois dire que lorsque le premier article sur ce sujet a été publié, très peu de gens s'y sont intéressés. Le seul à avoir réagi est mon ami Ron Dagan qui m’a dit : "Tu te trompes sur le pneumocoque...", ce à quoi j’ai répondu : "si je ne me trompe que sur le pneumocoque, je suis fier des hypothèses". Il a immédiatement ajouté : "Je n'ai pas dit que tu avais raison pour le reste ; j'ai juste dit que vous vous trompiez pour le pneumocoque". En fait, je pense que nous avions eu raison sur le pneumocoque, mais l'explication que je pourrais donner serait probablement trop longue. 
Depuis l'essor effectif de ces infections (VRS, grippe, entérovirus, streptocoque A, pneumocoque...), le concept de dette immunitaire a fait l'objet d'un tsunami sur le net avec plus de 47.000.000 de citations sur Google. Des “pour” et des “contre”, des insultes (pseudosciences...). La dette immunitaire a fait l’objet d’un symposium complet à l’ESPID ainsi que de nombreuses présentations.
Il faut noter que cette remontée brutale des infections n’a pas eu lieu dans les pays où il n’y a pas eu de baisse. L’exemple Sud-Africain est particulièrement instructif. Dans ce pays en voie de développement où les mesures d’hygiène proposées pour le Covid ont été très peu appliquées, il n’y a pas eu de baisse des infections respiratoires pendant le Covid et aucune remontée après, alors que l’ensemble de la population a été contaminée par le SARS-CoV-2. Les données de l'Afrique du Sud comparées à celles d'autres pays représentent une étude quasi expérimentale soutenant le concept d'immunité de la dette. 
Quand nous avions soulevé ce concept, ce que nous avions sous-estimé c'est :
  1. Son aspect collectif (immunité de groupe diminuée pour l’ensemble des enfants et des adultes), les virus et bactéries circulent plus.
  2. Le rôle des adultes dans la transmission des différents agents pathogènes comme le SARS-CoV-2, le VRS.
  3. La gravité potentielle d'une co-infection virale et bactérienne survenant en même temps chez des personnes qui n'ont pas d'immunité spécifique contre plusieurs de ces pathogènes. 
C'est ce qui s'est passé pour de nombreux virus et bactéries et on ne peut que constater que dans les pays où l'application des mesures d'hygiène pour les enfants a été stricte, nous avons, d’une part, perdu une grande partie de la saisonnalité des épidémies et d’autre part, la dette immunitaire est payée avec intérêts, les infections étant plus fréquentes et plus graves.
Le meilleur exemple en est probablement les infections sévères à streptocoques du groupe A qui ont véritablement explosé dans certains pays sans que l'on puisse les attribuer à l'émergence d'un nouveau génotype, mais des co-infections avec des virus respiratoires comme la grippe sont fréquentes du fait d’une double dette vis-à-vis du virus et de la bactérie.
De très nombreuses présentations durant cette session 2023 de l’ESPID rapportent des épidémies inhabituelles en post-Covid. C’est avec cette perspective qu’il faut les intégrer.
Il est possible aujourd’hui que la dette immunitaire post-pandémie aura tuer plus d’enfants que le Covid-19 lui-même.
Et l’avenir ? L’hypothèse principale est que la situation reviendra à la normale dans quelques mois ou quelques années, d'autant plus que le rebond a été important.

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