• Avec le soutien institutionnel de
    GSK

Dette immunitaire : année 4, où en sommes-nous ?


Quelques mois après le début de la pandémie de Covid-19 et l'application des mesures d'hygiène qu'elle avait imposées à juste titre, j'avais émis, soutenu par un certain nombre de spécialistes en pathologie infectieuse pédiatrique, l’hypothèse d'une "dette immunitaire" [1]. Ce concept évoquait que la non-circulation (du fait des mesures d’hygiène imposées très justement par la pandémie) de nombreux pathogènes très fréquents chez l’enfant, risquait d’être suivie par un rebond des infections. Nous avions alors suggéré l'idée que cette dette pourrait être payée au moment de la levée des mesures d'hygiène, soit avec intérêt, c'est-à-dire avec un risque d'infection plus élevé qu’en prépandémie, soit sans intérêt avec un retour à des épidémies d’intensité peu modifiée par rapport à la situation antérieure [2]. Nous avions même imaginé une situation dans laquelle le bénéfice des mesures d'hygiène s'étendrait au-delà de la phase épidémique sans rebond significatif (effacement de la dette).

Ce que nous n’avions pas prévu peut se résumer en 3 points :

  • Le premier, c’est l’intensité des polémiques que cette notion de "dette immunitaire" a déclenché sur les réseaux sociaux et dans les médias (des dizaines de millions de citations sur google : des pours, des contres beaucoup plus nombreux, notamment parmi les pseudoprogressistes pour qui le terme de dette avait une connotation financière qui les rebutait).
  • Le second point est que la dette immunitaire concernait en même temps de nombreux pathogènes, augmentant le risque de co-infections et possiblement de formes graves [3].
  • Enfin, cette dette avait une dimension collective : une partie importante de la population (y compris des adultes pour les agents pathogènes conférant une immunité de courte durée) en était victime, favorisant les épidémies [3].

Qu’en est-il 4 ans après le début de la pandémie ?

  • Tout d’abord, il y a toujours chez certains, la difficulté d'utiliser le terme de "dette immunitaire", certains préférant le terme de "retard d'immunisation" (ce qui revient strictement au même), probablement du fait d’un manque de courage vis-à-vis des opposants au concept… Pour ne pas entrer dans les polémiques, d'autres utilisent le terme de "déficit immunitaire transitoire", ce qui nous semble tout à fait inadapté car il n'y a aucun déficit immunitaire dans cette situation.
  • Deuxièmement, un rebond des maladies infectieuses a été observé pour toutes les infections communautaires se transmettant par voie respiratoire. Cependant, ce rebond n’a pas eu la même intensité ni la même temporalité pour tous les agents pathogènes, traduisant très probablement les différences de durée de l’immunité naturelle. Schématiquement on peut classer ces rebonds en 3 groupes :
    • Le premier est celui où les épidémies ont été d’une intensité et parfois d’une gravité inhabituelle comparativement à la période précovid (dette immunitaire payée avec intérêt) : dans ce groupe se situent le VRS, le streptocoque du groupe A, le mycoplasme et récemment le parvovirus B19. Plusieurs présentations lors de l’ESPID ont confirmé ces augmentations. Les infections invasives à méningocoques pourraient également entrer dans ce cadre. Il faut souligner que pour ces pathogènes, il n’existe pas de vaccin ou que ces vaccins ne sont pas recommandés ou insuffisamment utilisés.
    • Le second groupe est celui dans lequel le rebond épidémique a été d’une intensité nette, mais finalement assez comparable à la période prépandémique : dans celui-ci figurent les infections à pneumocoque, de la coqueluche ou de la grippe. On notera que des vaccins existent et que certains d’entre eux bénéficient de bonnes couvertures vaccinales.
    • Enfin, le dernier groupe est celui où le taux des infections reste inférieur à ce qui se produisait avant 2020. C’est le cas par exemple des gastroentérites notamment à rotavirus ou des infections à picornavirus.  Va-t-on assister pour ces virus à une remontée plus tardive ? Peut-être, probabablement..

Références

  1. Cohen R, Ashman M, Taha MK, Varon E, Angoulvant F, Levy C, Rybak A, Ouldali N, Guiso N, Grimprel E. Pediatric Infectious Disease Group (GPIP) position paper on the immune debt of the COVID-19 pandemic in childhood, how can we fill the immunity gap? Infect Dis Now. 2021 Aug;51(5):418-423. doi: 10.1016/j.idnow.2021.05.004. Epub 2021 May 12.
  2. Cohen R, Pettoello-Mantovani M, Somekh E, Levy C. European Pediatric Societies Call for an Implementation of Regular Vaccination Programs to Contrast the Immunity Debt Associated to Coronavirus Disease-2019 Pandemic in Children. J Pediatr. 2022 Mar;242:260-261.e3. doi: 10.1016/j.jpeds.2021.11.061. Epub 2021 Nov 27. PMID: 34848191; PMCID: PMC8626874.
  3. Cohen R, Levy C, Rybak A, Angoulvant F, Ouldali N, Grimprel E. Immune debt: Recrudescence of disease and confirmation of a contested concept. Infect Dis Now. 2023 Mar;53(2):104638. doi: 10.1016/j.idnow.2022.12.003. Epub 2022 Dec 16. PMID: 36535583; PMCID: PMC9756601.
  4. Cohen R, Levy C. Immune debt or immune shortage: The controversy continues - "Season 3 episode 1". Infect Dis Now. 2024 Mar 27;54(5):104897. doi: 10.1016/j.idnow.2024.104897. Epub ahead of print. PMID: 38552879.

Découvrez nos publications

Connectez-vous à votre compte
Inscrivez-vous gratuitement

Identifiant / Mot de passe oublié


Vous avez oublié votre mot de passe ?


Vous avez oublié votre identifiant ?

Consultez notre FAQ sur les problèmes de connexion ou contactez-nous.

Vous ne possédez pas de compte Edimark ?

Inscrivez-vous gratuitement

Pour accéder aux contenus publiés sur Edimark.fr vous devez posséder un compte et vous identifier au moyen d’un email et d’un mot de passe. L’email est celui que vous avez renseigné lors de votre inscription ou de votre abonnement à l’une de nos publications. Si toutefois vous ne vous souvenez plus de vos identifiants, veuillez nous contacter en cliquant ici.