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Utiliser LinkedIn comme outil de veille médicale. Témoignage du Dr Cédric Bruel


Propos recueillis par Denise Silber Le Dr Cédric Bruel est chef de service de réanimation polyvalente du groupe hospitalier Paris Saint-Joseph depuis 2016, ainsi que chef de projet du laboratoire de simulation médicale. Il a été vice-président de la CME de l’hôpital Saint-Joseph. Consultant quotidiennement LinkedIn, le Dr Bruel nous décrit les atouts et les limites de cette plateforme.


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  • Vous étiez inscrit sur LinkedIn avant l’apparition de la Covid-19, mais votre intérêt pour cette plateforme s’est accru depuis la pandémie. Pourquoi ?

Au début de la crise sanitaire liée à l’apparition de la Covid-19, nous nous sommes trouvés face à une situation très particulière. C’était la première fois qu’au niveau mondial nous ne pouvions nous référer à une bibliographie de qualité. Nous n’avions pas à notre disposition un arsenal de thérapeutiques connues. Nous parlions de traitement compassionnel. Totalement démunis, nous avons organisé dans l’urgence de nombreux échanges entre hospitaliers à l’échelle nationale, car il n’y avait pas d’études permettant de confirmer notre stratégie de prise en charge. Des réunions téléphoniques étaient planifiées tous les deux jours. Nous proposions des stratégies thérapeutiques que nous révisions trois fois dans la semaine !

En parallèle, je lisais les nouvelles publications concernant la prise en charge, afin d’identifier celles qui semblaient les plus pertinentes pour les patients. Je voulais m’informer, puis j’ai souhaité partager mon point de vue.

Pourquoi ai-je choisi LinkedIn ? Parce que je suis connecté à de nombreux praticiens sur cette plateforme et que celle-ci me permet d’afficher facilement des documents. Pendant la crise sanitaire liée à la Covid-19, j’ai régulièrement publié des articles complets sur LinkedIn portant sur cette épidémie, car les grandes revues internationales les rendent accessibles gratuitement. Je préfère proposer un article en entier parce que l’abstract peut être séduisant, sans pour autant correspondre à la réalité du papier lu dans le détail.

Durant la pandémie, je n’avais pas le temps de tirer tout le potentiel de chaque article, et l’échange entre confrères, grâce à LinkedIn, était très utile.


  • Comment avez-vous géré le problème de la qualité des articles portant sur la Covid-19, les “préprints”, les rétractions, les articles de niveaux très variables… ? 

Je consultais en effet tous les jours PubMed, le moteur de recherche des données bibliographiques mondiales de la médecine, afin d’identifier un maximum de publications concernant la Covid-19. Mais, sur les 500 articles publiés chaque jour, il y en avait peut-être un seul de pertinent, les 499 autres étant discutables ! Beaucoup d’articles se fondaient sur un cas (un “case report”), voire sur cinq à dix patients. Au début, nous ne disposions que de l’expérience chinoise. Un nouvel article pouvait faire référence, tout en finissant par être discrédité peu de temps après.

Les prépublications apportent quelque chose, mais elles doivent être considérées avec prudence. Dans la phase aiguë d’une épidémie, il est utile d’accélérer l’arrivée des publications. Mais cela se fait le plus souvent au prix d’une méthodologie non rigoureuse. Les mesures statistiques ne sont pas toujours bien faites ou se prêtent à des modèles de calcul différents.

C’est pourquoi toutes les semaines, dans mon service hospitalier, nous réunissons des personnes de perspectives complémentaires. Nous décortiquons ensemble un article grâce à l’intelligence collective et nous renforçons, je l’espère, notre capacité à évaluer une étude.

Nous avons été confrontés, durant cette crise, aux limites de la littérature médicale. Même des revues prestigieuses, comme The Lancet et The New England Journal of Medicine (NEJM), ont été obligées d’annoncer le retrait d’articles, et cela jette un discrédit sur le milieu scientifique. Il ne faut pas prendre pour acquis une information parce qu’elle est publiée.

Dans le domaine des traitements de la Covid-19, les résultats de l’étude franco-européenne Discovery, lancée en mars 2020, étaient très attendus, mais nous n’allons probablement jamais en tirer des conclusions précises.

Je suis très critique, mais les publications nous sont également utiles. Au début de l’épidémie, nous avions commencé à prescrire un antiviral associant deux molécules (lopinavir et ritonavir), utilisé habituellement dans la prise en charge du VIH, chez nos patients atteints de Covid-19 ; puis, grâce à un article publié dans le NEJM démontrant le manque d’efficacité de ce traitement, nous l’avons arrêté. Il faut lire les publications, mais rester à l’écoute et savoir se remettre en question. Nous devons tous en tirer une grande leçon d’humilité.


  • Que diriez-vous à un confrère qui vous pose la question de l’intérêt de LinkedIn ? Quels seraient vos conseils ?

Je lui dirais que LinkedIn s’avère un outil pertinent lorsqu’on a déterminé un objectif précis et que l’on s’y tient. Sans cet objectif, dont le choix dépend de son métier, de sa motivation, on risque d’être noyé. Personne ne peut le définir à votre place. Alors que beaucoup utilisent LinkedIn pour la recherche d’emploi, je m’y suis inscrit pour développer des contacts dans la communauté médicale. 

Par ailleurs, je lui dirais que la célérité des résultats d’une recherche sur LinkedIn est indéniable. C’est un argument fort pour y être présent pendant une crise sanitaire. Néanmoins, pour être efficace, il faut participer toute l’année. Sinon, on perd le contact avec son réseau et avec l’information. Et si un confrère recherche une information spécifique, je lui recommanderais de se servir des hashtags de la thématique et de se constituer ainsi un réseau de personnes intéressées.

En même temps, LinkedIn ne peut être supérieur à la littérature médicale. Et la littérature étant imparfaite, des rétractions continueront de fleurir. En outre, on peut rencontrer sur cette plateforme, comme sur les congrès, des personnes qui ne sont pas forcément là pour faire avancer le débat scientifique.

Dans tous les cas, je suis convaincu par l’outil LinkedIn. Je me connecte quotidiennement sur la plateforme et je produis des “posts” régulièrement sur des thèmes divers. Plusieurs confrères m’ont remercié pour “ma veille scientifique, sans jugement de valeur”. Comme réseau social, LinkedIn a démontré sa pertinence et me suffit.



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